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 Like a savior you turn on the light ; Roxane

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Yûki
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MessageSujet: Like a savior you turn on the light ; Roxane   Like a savior you turn on the light ; Roxane Icon_minitimeDim 30 Juil - 13:05

Louve saignait. Ça n’était pas grand chose au fond : rien que quelques éraflures sur la paume de sa main, rien qu’un peu de sable chaud porté par le vent, rien qu’un peu de terre qui s’imbibait des gouttes de sang, mais c’était douloureux. Pas plus que ne l’étaient toutes ces fois où elle s’écorchait, mais ça la lançait, plus violemment que d’autres. Peut-être parce qu’elle était épuisée, peut-être parce qu’elle était à un cheveux de s’effondrer. Peut-être aussi parce qu’à chacune de ses inspirations, elle était obligée de se plier en deux pour tousser, peut-être parce que même l’eau à présent tiède de sa bouteille ne suffisait plus à apaiser la brûlure de sa gorge. Elle courait, depuis la veille au soir. Elle avait enfin changé de continent, et elle espérait profiter de quelques semaines de répit. Deux, trois avec un peu de chance, elle n’en savait rien. Elle espérait quand même. Tout le trajet en bateau lui avait noué l’estomac, et elle ne savait pas si c’était un mal de mer qu’elle ne se connaissait pas —elle n’avait jamais emprunté la moindre des voix maritimes, avant ce jour— ou bien la simple peur que ses poursuivants soient déjà là, tapis dans l’ombre d’un couloir ou d’une chambre à coucher. Elle n’avait pas dormi, quand bien même elle aurait eu le temps ; elle n’avait eu de cesse de tourner en rond sur le pont, d’observer les flots en se tenant à la barre lorsque le malaise se faisait trop grand, trop fort pour qu’elle puisse tenir debout sans se soutenir. Elle n’avait pas mangé, non plus, tant elle était certaine que rien ne lui resterait dans l’estomac plus d’une heure si elle s’y risquait. Elle s’était contentée du silence et de l’oubli, en s’éblouissant du soleil couchant qui se reflétait à la surface des vagues. 
Elle s’était juré de ne plus oublier, pourtant, mais la beauté de l’inconnu l’avait subjuguée. Cette mer, paisible, qui s’étendait à l’infini devant elle, et puis cette terre à l’horizon, qui lui promettait asile, protection, sûreté, rien qu’un temps. Elle le savait, en voyant les contours de la grande île se dessiner : son Eden ne serait pas éternel, et elle devrait fuir à nouveau, un beau jour. Mais elle voulait se croire encore libre, l’espace d’un moment.

Elle s’était perdue dans les allées, égarées entre les maisonnées et les boutiques chaleureuses. Elle n’avait pas vu les longues avenues pavées, rutilantes et pleines de monde —et ça ne lui manquait pas ; Illumis ne lui manquait pas ; Volucité non plus—, mais elle avait vu les bâtiments colorées, les coins de verdure et les fleurs qui laissaient flotter leur effluve sucrée dans toute la ville, peut-être même sur toute la région. Pour la première fois depuis longtemps, elle s’était autorisée à flâner, à ne pas fuir, à simplement profiter. A vivre, un peu, quand bien même elle n’était plus vraiment certaine de savoir ce que cela signifiait. Elle s’était arrêtée pour manger, sur le dos de ses maigres économies, et puis s’était même autorisé le luxe de traîner sa carcasse jusqu’entre les rayonnages d’une bibliothèque, dont elle avait inspiré l’odeur des livres poussiéreux et feuilleté leurs pages fines et abîmées jusqu’à la fermeture. Il faisait déjà nuit, lorsqu’elle était sortie. Et, à nouveau, avec l’astre nocturne étaient revenues les peurs, les angoisses, l’impression permanente de n’être jamais en sécurité, toujours observée. Elle s’était mise à courir, comme muée d’une telle habitude qu’elle n’avait plus besoin d’y songer.

Elle ne savait rien de la géographie d’Hoenn, rien de ses villes ni de ses reliefs, et elle n’avait pas su rester sur les chemins —survivre lui avait appris à ne jamais rendre plus facile la traque de ses bourreaux. Alors, elle s’était écartée, enfoncée dans les recoins de végétations sans indications, aucun panneau ni plus rien pour lui dire ce qu’elle devait faire, après. Mais elle s’en moquait, de l’après, Louve. Parce qu’elle ne voyait toujours que maintenant, l’instant présent, parce qu’elle n’était jamais certaine que la seconde suivante, elle tiendrait encore debout. Là, maintenant, elle respirait encore ; mais si c’était le dernier pas qu’elle faisait là ? Ou bien, celui-ci ? Elle ne savait pas, jamais, alors elle avait banni demain et avenir de son vocabulaire. C’étaient des mots qu’elle ne connaissait plus, quand elle usait à outrance de présent et d’inconnu
Elle avait grimpé le long d’une roche tiède sous ses doigts, clairement chaude de temps à autres ; pas bien haut, mais juste assez pour suffoquer tant la chaleur et l’effort refusaient de l’épargner. C’était d’être si près de cette montagne et sous le soleil maître d’un ciel sans nuages qui rendait l’air si lourd et avait finalement eu raison de la fraîcheur de l’eau dont elle s’abreuvait régulièrement, tout en s’efforçant d’en garder pour plus tard, puisqu’elle ne savait pas quand lui serait donnée la possibilité de la remplir à nouveau, d’une eau claire et limpide qui ne la rendrait pas malade, au contraire de quelques autres fois.

Et puis, finalement, au bout de longues heures, et alors que le soleil se couchait enfin, elle descendit ces quelques mètres qu’elle avait escaladé toute la journée. La roche continuait de lui brûler les mains alors qu’elle se laissait glisser, bien trop désireuse d’en finir au plus vite pour daigner chercher le chemin façonné par l’homme qui s’abaissait jusqu’à la ville en contrebas —Vermilava, lu-t-elle sur l’un des panneaux qu’elle trouva là, une fois revenue sur le sol de terre et de verdure. Elle n’attendit pas un instant de plus avant de laisser son sac tomber au sol, et de s’asseoir contre cette roche qui l’avait écorchée un instant plus tôt. Tête renversée en arrière, mains levées pour observer les dégâts sur ses paumes sanglantes déjà si malmenées, elle ne pu retenir un rire amer qui fit tressauter ses épaules. « Blessures de guerre, on dira, hein ? » souffla-t-elle pour elle seule, comme elle réciterait le vers d’un poème appris par coeur. C’était ce qu’il disait, son Cornèbre aux yeux d’encre, pour qu’elle ne pleure jamais de leurs meurtrissures.

Distraite, elle ouvrit son sac et se mit à fouiller dedans, à la recherche de ce spray désinfectant dont elle usait à tort et à travers, comme par peur que ça ne soit jamais assez, sans même comprendre d’où sa peur lui venait. Il était là, petit flacon blanc à l’étiquette déchirée, parce qu’elle avait dû s’acharner à l’arracher à coups d’ongles, un jour qu’elle était plus nerveuse que d’autres. Elle pressa, mais rien ne jaillit de la petite bouteille. Elle secoua, réessaya ; rien n’y fit. Il était vide, et ce détail arracha un grognement frustré à la Riolu, qui le jeta plus qu’elle ne le reposa dans son sac, alors qu’elle se relevait. « Putain de... » lâcha-t-elle, d’un ton sans doute un peu plus fort qu’elle ne l’aurait voulu. Il y avait bien ce Centre Pokémon dont l’enseigne brillait, là, à tout juste quelques mètres mais… Qu’est-ce que ça changerait, finalement ?

A nouveau, Louve replongeait ; dans ses idées noires et son fatalisme. Certains lui en voudraient s’ils la voyaient telle qu’elle était, à l’instant présent —Tao, son Cornèbre ; Pieter ; Rellina. Oh, oui, ils lui en voudraient, s’ils étaient là. Mais elle était seule, et la peur face à la réalité lui nouait à nouveau la gorge. Elle était foutue, alors à quoi bon faire le moindre des efforts dans ce monde qui n’en valait plus la peine ?
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MessageSujet: Re: Like a savior you turn on the light ; Roxane   Like a savior you turn on the light ; Roxane Icon_minitimeDim 30 Juil - 13:05

Il n’avait jamais été un scoop de dire que Roxane était de ces femmes actives à l’emploi du temps surchargé. Quand il ne fallait pas planifier de nouvelles missions de sauvetage ou d’éclairage pour contrecarrer Chronos, il fallait parfois réparer les gaffes de certains membres, le tout sans manquer de s’assurer du bon fonctionnement d’Hoenn et tout faire pour que la région fasse honneur à sa réputation de havre de paix pour tout hybride –et pour les humains qui s’étaient rangés de leur côté, en tout cas elle essayait. Plus qu’une leader, elle avait parfois l’impression d’être devenue une véritable femme politique et d’en subir tous les désagréments, et quelque part elle soupirait par moments quand personne n’était là pour la voir ou l’entendre ; Est-ce que j’ai vraiment signé pour ça au fond ?
C’était épuisant, aussi bien moralement à cause du stress qui incombe à tant de responsabilité que physiquement en raison de son rythme de vie effréné ; elle n’aurait pas eu Judas sur qui compter pour lui faciliter les choses en effectuant toutes les petites tâches annexes ô combien chronophages, elle en aurait peut-être fait son burn-out. Peut-être.

Mais s’il y avait une chose qui lui arrachait chaque fois un sourire et la confortait dans ses idéaux, c’était quand elle descendait elle-même dans les différents coin de sa région pour s’assurer que tout allait bien pour le meilleur des mondes. La visée était politique bien évidemment, le but étant de montrer ostensiblement sa présence, de souligner le fait qu’Hoenn, c’était chez elle et qu’elle pouvait donc y déambuler comme elle l’entendait. Il s’agissait de marquer son territoire pour effrayer la concurrence d’une part et rassurer le reste du troupeau de l’autre.
Mais quand elle débarquait dans un petit patelin comme Vermilava et qu’on l’y accueillait avec des sourires chaleureux et des remerciements, cela avait toujours le don de lui mettre du baume au coeur. Pas seulement parce que cela satisfaisait son ego, principalement parce que c’était dans ses moments là qu’elle réalisait l’ampleur de ce qu’elle avait accompli. Ces gens étaient heureux, et si elle n’était clairement pas auteure directe de ce bonheur qui gonflait leurs poitrines et étirait leurs sourires, elle était néanmoins celle qui en garantissait les premières conditions : la liberté,  l’intégrité, la sécurité, pour certains.
Et ça valait toutes les nuits d’insomnies qu’elle enchaînait régulièrement.

Roxane quitta la petite herboristerie après une longue discussion avec le doyen du coin et sa petite-fille sur ce qu’il s’était passé depuis sa dernière visite –et il ne s’était pas passé grand chose au fond, à son grand soulagement. Le besoin de s’en griller une petite s’était fait ressentir durant les dernières minutes et elle avait poliment pris congé d’eux avant de s’éclipser et de s’éloigner un peu pour profiter plus tranquillement des bienfaits de la nicotine sur son état de nervosité –latente, mais quasi-constante. Roxane ne buvait pas, ou du moins elle mettait un point d’honneur à ne jamais dépasser le verre de trop et perdre sa lucidité et sa parfaite maîtrise de soi. En contrepartie, elle fumait, sûrement trop. On pourrait lui reprocher de ne pas prendre soin de sa santé, lui rappeler les risques qu’elle encourait ; cancers en tout genre, altération de sa beauté, stérilité –chaque fois qu’on lui faisait cette dernière remarque, c’était un rire sec, moqueur et amer qui grondait au fond de sa gorge. Depuis qu’on avait troqué sa fertilité contre sa vie quelques années auparavant, elle se fichait bien des conséquences.
Adossée contre un mur, un peu dissimulée par l’ombre nette provoquée par le coucher de soleil, elle gardait les yeux fermés tout en laissant la fumée grise s’échapper d’entre ses lèvres rouges. Mais si elle avait l’air de se reposer, au fond, elle restait assez attentive aux sons et aux mouvements autour d’elle, parce que quelque part, il y avait cette peur inéluctable qui s’accrochait encore et toujours au fond de ses tripes, cette peur de tomber à nouveau face à l’ennemi et de redevenir une moins que rien. Ça pouvait la rendre parfois si parano qu’elle se demandait s’il n’était pas temps d’aller consulter, avant de se rappeler que de toutes façons, elle n’en n’avait pas le temps.
La longue cigarette se consuma lentement entre ses doigts, et il n’en restait qu’une infime partie encore consommable quand elle entendit ce murmure aussi léger qu’une plume au vent et pourtant prononcé comme si cela avait écorché la gorge de la personne qui l’avait soufflé du bout des lèvres. 

▬ Blessures de guerre, on dira, hein ?

Roxane se redressa, instinctivement. Et dans l’ombre du mur elle mit à profit ses dons draconiens en fouettant l’air à l’aide de sa langue, devenue celle d’un reptile en moins d’une seconde. Odeur de sang, odeur d’hybride. Il ne lui en fallait pas plus en général pour qu’un élan d’empathie ne surgisse de ses entrailles et la pousse à agir.

▬ Putain de…

La Trioxhydre se racla la gorge afin de signaler sa présence et ne pas prendre l’autre personne de surprise ; à sa voix brisée elle avait presque l’impression d’avoir affaire à quelqu’un qui s’effondrerait à la moindre chute, aussi minime pourrait-elle être. 

▬ Blessure de guerre ou non, une blessure qu’on ne soigne pas est une victoire que l’on cède à l’ennemi, elle lâcha d’une voix claire, distincte, et dans laquelle elle insufflait peut-être un peu de son pouvoir d’attraction pour mettre l’autre en confiance ; ce don se révélait souvent redoutable face au genre masculin qui tombait généralement à ses pieds et lui permettait d’en faire de vrais petits pantins le temps d’un moment, sur la gente féminine en revanche, c’était plutôt inefficace, mais avec assez de bonne volonté elle parvenait toujours à y insuffler un je-ne-sais quoi qui détendait l’atmosphère et favorisait les discussions.

Sa cigarette entre deux doigts aux ongles vernis et ses talons claquant au sol, elle sortit de l’ombre et fit le tour pour se retrouver face à cette hybride qui saignait trop près d’elle pour qu’elle n’en fasse rien. La première chose qui la frappa fut son air perdu et au bord de l’effondrement. Et puis ce fut son âge aussi ; elle souffrait peut-être de sous-alimentation, ce qui atrophiait probablement sa croissance, mais putain, qu’est-ce qu’elle semblait jeune. Au moins autant qu’elle ne l’était durant son calvaire à Unys. 
Ses iris vert-d’eau décrivirent d’abord les courbes de son visage aux traits tirés avant de suivre la ligne de ses bras pour s’arrêter sur ses mains ensanglantées. Un maigre sourire compatissant se dessina sur ses lèvres et elle souffla la dernière bouffée de nicotine avant de laisser le mégot tomber au sol et de l’écraser sous son talon. Et puis elle s’approcha, doucement, et s’accroupit devant elle pour se mettre à sa hauteur avant de plonger son regard dans le sien.

▬ Je m’appelle Roxane. Je peut t’aider ?
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MessageSujet: Re: Like a savior you turn on the light ; Roxane   Like a savior you turn on the light ; Roxane Icon_minitimeDim 30 Juil - 13:05

Louve saignait ; Louve saignait, mais ça n’était pas grand chose. Quelques éraflures un peu sanguinolentes, mais qui auraient bien tôt fait se refermer et disparaître. Mais ses mains la lançaient, parce qu’elles n’étaient déjà que trop usées d’être sans cesse lavées, nettoyées, rincées à l’eau glaciale des ruisseaux en plein hiver ; abîmées d’être sans cesse malmenées à cause du sang. Pas le sien, comme aujourd’hui ; mais le leur, celui qui coulait quand elle tirait, celui qui éclaboussait le sol lorsque les corps s’affaissaient sur le bitume, se fracassait contre un sol trop peu chaleureux. Même pour eux. L’écarlate giclait, des vies s’envolaient, et elle… elle, elle tentait vainement d’oublier le rougele long de ses doigts. 
Ce soir, c’était une autre teinte qui parait ses mains. Pas le fluide clair de ses victimes ; il était plus sombre, déjà pourri comme elle se sentait pourrir à l’intérieur. Il s’enfuyait hors d’elle, et il y avait ce noeud dans sa gorge, qui lui disait que ça n’était pas assez. Pas assez pour en finir, pas assez pour renoncer. Ça n’était pas assez, alors elle devait tenir encore un peu. Elle ne savait pas pourquoi, elle ne savait pas pour qui non plus —Pieter, Rellina, et les deux prunelles grenat qui flottaient dans l’ombre de ses paupières fermées, de temps à autres. Elle savait, en vérité. Mais ça non plus, ça n’était pas assez. Pas assez pour qu’elle se sente encore la force de fuir, le courage de lutter. Pourtant, elle fuyait ; pourtant, elle luttait. Encore, toujours, parce que l’idée de la fin, la vraie, celle dont on ne revient pas l’effrayait. Louve n’était encore qu’une gosse inquiétée par l’obscurité, dans le fond.

Il y eut comme un toussotement non loin d’elle, et elle sursauta, s’arrachant enfin à l’examen tout à la fois fasciné et révulsé de ses mains pour relever la tête. Dans les lueurs obscures et rougeoyantes du coucher de soleil se détachait à présent une silhouette. Féminine, à ne pas en douter ; un visage à la peau clair encadré d’une longue chevelure d’un noir d’encre —Louve était incapable de savoir s’ils étaient véritablement de cette teinte de jais, ou si ça n’était qu’un tour de la lumière déclinante, qui rendait les subtiles nuances purement indiscernables. Elle approchait, elle et ses talons qui résonnaient sur le sol, elle et le parfum de nicotine qui la suivait. La Riolu fronça légèrement le nez, lorsqu’elle discerna l’éclat de la cigarette, et ça n’était pas par dégoût ; c’était cette envie qu’elle ne pouvait satisfaire qui la frustrait, quand bien même elle n’y songeait que rarement plus que de raison. C’était de ces choses futiles auxquelles elle n’avait pas le temps de penser, lorsqu’elle fuyait ; courir l’empêchait de manquer de sa tueuse qui lui brûlait les poumons. Mais ce soir, elle ne courait plus ; alors ce soir, elle pouvait penser.

« Blessure de guerre ou non, une blessure qu’on ne soigne pas est une victoire que l’on cède à l’ennemi. » Elle ne pu réprimer un frisson, en entendant la voix qui vint tout à coup déchirer le silence. C’était de ces tons desquels percent un étrange mélange de confiance, de prévenance, d’assurance, de compassion, de douceur, d’un peu de cette chaleur dont manquait tant le monde d’aujourd’hui. C’était ce timbre qui forçait au respect, qui pouvait effrayer si telle était la volonté de l’heure propriétaire, mais qui, ce soir, se faisait suffisamment bienveillant pour qu’elle ne se sente pas le besoin de fuir à nouveau. Elle l’avait senti presque aussitôt : c’était à une hybride qu’elle avait affaire, plus âgée qu’elle à n’en pas douter. Ça n’était pas une ennemie, elle n’était pas une humaine, ni l’une de ces esclaves à l’air si hagard, parfois dément, que c’en est presque impossible de ne pas les reconnaître au premier regard. Ils en étaient terrifiants.

Louve ne pu réprimer l’ombre du sourire qui venait de se faire une place sur ses lèvres, l’espace d’une seconde qui passa un peu trop vite pour qu’on puisse jurer que le rictus maladroit ait vraiment existé. Ils ont déjà gagné, songea-t-elle, sans oser prononcer les mots à voix haute. Ils ont déjà gagné, je suis foutue depuis que j’ai pris la fuite. Elle s’était condamnée, et elle en était un peu trop consciente pour que de telles paroles ne lui paraissent pas absurdes. Mais elle ne savait pas, cette femme qui paraissait lui vouloir du bien ; elle ne savait pas, son tort, ses fautes, sa fuite, ses peurs. Elle ne savait pas, et c’était sans doute mieux ainsi. « Je m’appelle Roxane. Je peut t’aider ? » Elle était là, accroupie face à la Riolu, les volutes de fumée de sa cigarette qui dessinait comme un vague écran d’un instant entre elles deux, et qui venaient comme la narguer. Pourtant, elle ne s’en préoccupait pas plus que ça, pas tant qu’elle l’aurait dû, toute entière absorbée par les iris de Roxane. Deux billes vert d’eau, aussi claires qu’envoûtantes, dont elle ne parvint à se détacher qu’après un bien long moment —une quinzaine de secondes à peine ; mais c’en avait été tout autant de silence.

Roxane. Il y avait quelque chose, dans son prénom, sur son visage, qui lui donnait comme l’impression d’un déjà-vu. Elle n’était jamais venue à Hoenn avant, elle ne s’était pas non plus vraiment attardée où que ce soit suffisamment longtemps pour graver dans sa mémoire le visage d’autres que ceux qui l’interpellaient dés les premiers instants, ou ceux auxquels elle ne pouvait pas échapper —ceux qui lui sauvaient la vie, quelquefois. Elle était presque persuadée de n’avoir jamais rencontrée celle qui lui faisait face, alors quoi ? Pourquoi cette sensation de la connaître déjà, d’une façon ou d’une autre ? L’un des dossiers de la mafia ? se demanda-t-elle, en se souvenant que, de temps à autres, des dossiers glissaient des mains de Chronos à ceux de l’organisation criminelle dont elle-même venait. Elle retint une nouvelle grimace, à se rappeler que les informations visant à la chute d’autrui —quelque fois ses pairs, d’autres fois les leurs— s’échangeaient, se monnayaient sans vergogne entre les hauts placés. Ça la répugnait.

Enfin, elle répondit. « Louve. » C’était un simple souffle, tout juste audible sans doute, mais son interlocutrice se tenait suffisamment près pour n’avoir, elle l’espérait, pas manqué d’entendre. Cela dit, elle ne pu s’empêcher de s’infliger une claque mentale pour se ressaisir et, aussitôt, le regard qu’elle posa sur Roxane se fit moins hésitant, plus franc ; elle venait de renoncer à son trouble pour l’un de ces masques sans douleur qu’elle enfilait aussi bien qu’elle respirait —et c’était difficile, parfois ; respirer, quand on était à bout de souffle. « Je m’appelle Louve. Et, je... » Elle jeta un oeil à ses mains écorchées, puis ferma les poings pour soustraire la vue de ses paumes blessées, à sa vis à vis tout autant qu’à elle-même. « Ça n’est pas grand chose, ne vous inquiétez pas. » Elle avait naturellement opté pour le vouvoiement, sans trop savoir ce qui l’avait empêchée d’être plus familière, elle qui jurait sur ses supérieurs du temps où elle ne fuyait pas encore. Peut-être parce que pour cette femme, elle parvenait à éprouver un tant soit peu de ce respect qu’elle n’avait jamais accordé à ses collègues d’antan ?

Lentement, et comme si elle portait le poids du monde sur ses épaules, elle se redressa pour s’étirer, s’aidant de la roche derrière elle pour se soutenir et ne pas tomber, ne même pas vaciller. Elle en était certaine : si elle s’écartait, elle ne tiendrait pas debout. Elle les sentait, ses jambes qui tremblaient, qui n’en pouvaient plus de la porter, la faim qui la tiraillait, l’angoisse qui lui tirait les traits, et cette fatigue, cette insoutenable fatigue qu’elle refoulait pourtant. Dormir, c’était être à la merci de ceux qui voulaient la voir morte. Elle ne voulait pas s’offrir, se donner en pâture si aisément. Alors, elle ne dormait pas, peu, d’un sommeil trop léger pour être jamais réparateur. Et elle courait toujours, avec le fardeau de l’éreintement qui lui pesait si lourd sur le corps. Elle était si fragile, au fond, que ça relevait du miracle qu’elle ne se soit pas encore écroulée, qu’elle ne ne soit pas encore brisée en éclats contre le bitume, qu’elle n’ait pas encore lâché prise pour s’arrêter et s’endormir. Pour de bon, cette fois-ci.
Elle inspira longuement et, à nouveau, l’odeur de la nicotine vint lui chatouiller les narines. Ses sanguines scrutèrent l’extrémité incandescente, et puis remontèrent le long du bras, de l’épaule, et jusqu’au visage de l’hybride en face d’elle. « Est-ce que... » Est-ce que nous nous sommes déjà rencontrées ? voulu-t-elle demander, avant de se raviser. C’était trop stupide, comme question. « Vous n’auriez pas une cigarette, pour moi ? S’il vous plaît ? Je ne pourrai pas vous la rendre dans l’immédiat, mais je m’en souviendrai, et... » Et quoi, imbécile ? Elle déglutit, difficilement, et s’appuya un peu plus contre la roche dans son dos. Abrutie, songea-t-elle à l’encontre d’elle-même. Abrutie, abrutie, abrutie.
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MessageSujet: Re: Like a savior you turn on the light ; Roxane   Like a savior you turn on the light ; Roxane Icon_minitimeDim 30 Juil - 13:06

▬ Louve.

Elle n’est pas d’ici, songea Roxane en scrutant avec attention le moindre détail de son visage. Elle aurait compris rien qu’à l’entente de son nom dans le cas contraire.

▬ Je m’appelle Louve. Et, je… –elle sembla hésiter, le temps d’une seconde, et le sourire qui étirait les lèvres carmin de la jeune femme se fit plus doux, plus encourageant– Ça n’est pas grand chose, ne vous inquiétez pas.

Roxane eu un léger ricanement sarcastique en la voyant jeter un oeil à ses paumes. Je ne parlais pas que de tes mains, ma jolie.
Délicatement, la Trioxhydre leva la main pour saisir avec le plus de douceur possible l’un des poignets de la jeune fille pour examiner un peu mieux l’épiderme endolori, sans jamais ne serait-ce que frôler la peau abîmée, afin de ne pas causer plus de douleur. 
Elles étaient malmenées ces mains, et ça n’avait pas l’air de dater de la veille.

▬ Ça peut avoir l’air de rien à première vue, souffla-t-elle les yeux baissés sur les mains de Louvemais crois moi, tu préfèrerais quand même faire soigner tout ça au centre pokémon. Y’a rien de plus gênant et douloureux qu’une infection, elle ajouta avec un léger rictus de dégoût en repensant aux vilaines blessures qu’elle avait pu voir au cours de ses trente-et-unes années de vie.

La jeune fille se redressa, en s’appuyant sur le mur pour s’aider comme si elle risquait de s’effondrer en faisant autrement. Néanmoins, Roxane n’esquissa aucun mouvement pour l’aider, elle ne la prit pas par le bras pour la soutenir, ne la retint pas par la taille, rien. Parce qu’elle sentait en elle cette espèce de volonté de se débrouiller seule –par fierté ou peur de déranger, elle ne pouvait encore le dire, mais elle le sentait, et c’était tout à son honneur. Elle-même avait eu à coeur de montrer qu’elle pouvait faire ce qu’elle faisait par ses propres moyens, et pas parce qu’elle était « la fille de ».
Elle se redressa, inspira une dernière taffe et écrasa sous le talon de son escarpin.

Quel genre de vie pouvait-on vivre pour se retrouver dans un tel état à pas vingt ans ? –car elle ne les avait pas, c’était évident. Une vie de torture ? Une vie de terreur ? Une vie de fuite ?
Tout à la fois peut-être.
Ça lui brûlait les entrailles, à Roxane. Pas parce que c’était une hybride et qu’elle présumait que des humains étaient forcément la cause de ses malheurs, quand bien même cela ne l’étonnerait pas le moins du monde, mais parce que c’était une gamine, et qu’aucune gamine ne méritait ça. Parce qu’elle lui rappelait aussi que c’est à peu près à cet âge là qu’elle a vécu l’enfer avec cet homme qu’elle avait cru aimer, et que pour avoir connu la souffrance, la vraie, elle ne la souhaitait à personne et la honnissait quand elle la voyait dans le regard de celui qui n’avait rien demandé. 
Personne, mis à part ses adversaires, bien sûr.

▬ Est-ce que...Vous n’auriez pas une cigarette, pour moi ? S’il vous plaît ? Je ne pourrai pas vous la rendre dans l’immédiat, mais je m’en souviendrai, et…

Roxane eu un de ces sourires entendus et sorti son paquet de sa poche, et d’une seule main experte l’ouvrit et attrapa une cigarette entre ses doigts avant de la tendre à la jeune fille. Sa main revint à sa poche, et elle troqua le paquet contre le briquet qu’elle tendit près du bout du petit bâtonnet blanc pour l’embraser.

▬ C’est cadeau ma belle, t’en fais pas.

Pendant quelques secondes, et observa le ballet hypnotisant et étrangement apaisant des volutes de fumée qui s’élevaient dans les airs, ses deux mains toujours enfoncées dans les poches de son long manteau. Il y avait dans sa poitrine cette maudite empathie qui faisait cogner son palpitant, et dans ses tripes cette colère qui faisait rage, à la regarder ainsi, petite poupée éraflée par la vie. Et parce qu’elle préférait les regrets aux remords, elle ne pouvait pas –ne voulait pas– ne rien tenter pour l’aider.
Hoenn était sa terre, la terre où on vit libre et où on peut dormir sur ses deux oreilles, et elle n’admettait aucune exception.

▬ Bon écoute, tourner autour du pot c’est pas mon truc, elle soupira en plantant son regard dans celui de la plus jeune. Je sais pas vraiment ce qu’il t’est arrivé pour que tu te retrouves dans un état pareil, et à vrai dire je m’en fous un peu pour le moment. Ce que je sais, c’est que t’as l’air à bout, et que tu vas pas tenir une journée de plus sans te reposer, c’est certain.

Elle marqua une pause pour sortir ses mains de ses poches, réduisit la distance qui les séparait en un pas, et du bout des doigts elle vint replacer une de ses mèches désordonnées derrière son oreille avant de descendre effleurer sa joue, dans un geste presque maternel. Elle venait seulement de la rencontrer pourtant, mais putain, cette gosse, elle lui avait remué les tripes dès le premier regard. Elle la touchait, elle l’émouvait. Et bon sang, si Roxane savait se montrer sans pitié face à l’ennemi, Arceus savait que c’était tout l’inverse quand elle se retrouvait face une enfant fissurée comme Louve.
Elle sourit, maigrement. Mais son regard s’alluma d’un éclat assuré, plein de confiance et de chaleur, comme si elle aurait voulu lui redonner courage d’un simple contact visuel.

▬ T’as pas l’air du coin alors je vais refaire les présentations en bonne et due forme –elle se redressa, et sa main vint se poser avec fierté sur son torse– Je suis Roxane Landreiter, et je dirige la team Avalon, qui assure la paix et la tranquillité aux hybrides et en particulier à ceux d’Hoenn. Ici, il ne peut rien t’arriver sans que j’en soit mise au courant, et il ne t’arrivera rien de toute façon, car je t’offres la protection d’Avalon. Si tu as besoin d’un endroit où te poser, je te réserve une chambre au QG au moindre mot. Et si tu tiens absolument à « rembourser » –elle mima les guillemets avec les doigts– on peut s’arranger si ça te soulage la conscience, mais sache que je ne te demanderais rien pour l’instant.

Elle redirigea à nouveau sa main vers Louve et la posa sur son épaule, doucement et fermement à la fois. Doucement pour lui montrer qu’elle n’était plus en terrain ennemi ; fermement pour lui faire comprendre qu’elle était assez forte pour la soutenir le temps qu’elle accepterait de rester chez elle.

▬ Je ne te force pas la main évidemment, tu fais ton choix. Mais sache que tu es en sécurité maintenant que tu es là. Tu peux souffler sans avoir peur.
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MessageSujet: Re: Like a savior you turn on the light ; Roxane   Like a savior you turn on the light ; Roxane Icon_minitimeDim 30 Juil - 13:06

Elle se sentait désolée, incertaine. Comme souvent, en vérité ; elle ne se sentait pas plus à sa place qu’en droit de demander la moindre faveur à cette femme qui lui faisait face, alors même qu’elle paraissait plus apte à l’aider que n’importe qui d’autre ici bas. Elle avait cette poigne douce, ce regard attentif, elle écoutaitpour de vrai, et Louve était persuadée que ça n’était pas qu’une histoire de bonne conscience. Elle en avait croisé, des êtres qui n’avaient pas voulu l’aider, d’autres encore qui n’étaient qu’intéressés. Mais elle, elle, il n’y avait rien d’autre qu’un touchant mélange d’inquiétude et de bienveillance qui se reflétait dans ses yeux. Sans trop savoir si elle le devait, elle lui accordait sa confiance — avec l’intime conviction qu’elle était de ces personnes à qui l’on pouvait confier sa vie sans crainte d’autre sorte, qu’entre ses mains l’on était en sûreté et que le monde pouvait s’effondrer sans que l’on subisse la moindre des éraflures.

Elle tira son paquet, en sortit une cigarette et, d’une main hésitante, un peu tremblante, la Riolu s’en saisit, une lueur de gratitude dans le regard, qui s’éteignit derrière le voile de ses paupières closes lorsqu’elle inspira la première bouffée. Ses muscles noués semblèrent se délier, la douleur de ses paumes brûlantes se fit moins intense, et l’inquiétude qui l’étreignait depuis si longtemps s’ôta un peu du poids qui pesait sur sa poitrine. « C’est cadeau ma belle, t’en fais pas. » Elle ne pu le réprimer : ce sourire fugace qui traversa ses lèvres, plume légère sur un visage aux traits tirés par la fatigue. « Merci... » Elle avait rouvert les yeux, et à présent elle observait la fumée qui se dissipait, disparaissait en direction du ciel nocturne, à peine gâchée par les réverbères de la ville à deux pas de là. Ici, il restait un peu de ce qu’Unys avait ôté au monde : la beauté des choses les plus simples, tel un ciel piqué de millier d’étoiles, et l’espoir. C’était pour ça qu’elle s’était enfuie de sa région natale, avec pour seul objectif Hoenn. Havre de paix, cible numéro un des types de Chronos. Elle en savait un peu trop, et c’était ce qui la rendait proie. Peu importe : pour quelques heures au moins, elle pouvait oublier de s’inquiéter. Rien qu’un peu.

« Bon écoute, tourner autour du pot c’est pas mon truc. (Louve baissa les yeux sur elle, réprimant un vague sursaut par la faute de ce silence tout à coup brisé par la voix claire de Roxane.) Je sais pas vraiment ce qu’il t’est arrivé pour que tu te retrouves dans un état pareil, et à vrai dire je m’en fous un peu pour le moment. Ce que je sais, c’est que t’as l’air à bout, et que tu vas pas tenir une journée de plus sans te reposer, c’est certain. » Louve ne pu réprimer la grimace qui s’imprima sur sa face — un froncement de nez presque enfantin, un pincement des lèvres qui dévoila l’éclat de l’une de ses canines, un peu plus pointue sans doute que devait l’être une humaine. Elle cilla légèrement, tirant sur le bâton nicotiné entre ses lèvres pour disperser son trouble ne serait-ce qu’un instant. C’est si flagrant que j’suis à bout ? s’interrogea-t-elle en silence, dans l’ombre de son esprit, ses deux billes sanguines posées sur son interlocutrice, sans tout à fait la voir cela dit. C’est si flagrant qu’j’en peux plus d’tout ça, qu’j’ai juste envie d’tout lâcher, d’tout envoyer valser, d’me rendre, d’me foutre en l’air histoire d’plus en entendre parler ? 
Elle serra les dents, déglutit avec peine — putain, Zoey, depuis quand tu songes à crever ? demandait la voix de la gamine qu’elle avait été, dans un coin de son esprit, et qu’elle étouffait chaque fois, de peur de l’affronter. De peur d’assumer, sans doute, qu’elle était devenue aussi pitoyable.

Elle s’approcha, et Louve frissonna de tout son long lorsque les doigts fins de la femme vinrent s’aventurer jusqu’à ses cheveux, jusqu’à son visage. C’était un contact si doux, aérien comme l’aurait été le battement d’ailes d’un papillon, qu’elle se cru un instant quelques années plus tôt, lorsque tout était plus facile, lorsque son père était encore en vie, sa mère aimante, sa vie digne d’être vécue. C’était cette époque chaleureuse, à laquelle la Lucario n’était jamais avare en signes d’affection, embrassades et étreintes à la moindre occasion. C’était cette époque, celle d’avant, avant le drame, avant le début de la fin. Ça avait quelque chose de tout à la fois tendre et douloureux, comme le sont tous les bons souvenirs que l’on ne revivra plus jamais parce que le pire est venu les réduire en poussière sous le talon du mauvais sort, c’était sucré, c’était amer, ça l’attendrissait en même temps que ça lui donnait la nausée. Elle aurait presque oublié, l’amour de sa mère et la chaleur de son foyer, s’il n’y avait pas eu cette main délicate contre sa peau, un je suis là, ne t’inquiète plus rassurant, qui faisait s’envoler un peu la peur, l’angoisse et la certitude d’être foutue

Les sanguines de Louve se perdirent une seconde dans le vague, prisonnière de ce phénomène que l’on nommait tantôt nostalgie, mélancolie, vague à l’âme, tristesse, spleen ou regret ; c’étaient là bien trop de mots pour une seule chose que l’on ne pouvait vraiment décrire, tant qu’elle était singulière et personnelle, tant elle blessait, toujours, mais jamais avec la même force, la même volonté d’un à un autre. Elle s’égarait, dans cette vague affliction qu’elle ne savait vraiment définir, lorsque la voix de Roxane qui s’éleva de nouveau la força à reprendre contact avec la réalité, avec le monde sensible qui l’entourait. « T’as pas l’air du coin alors je vais refaire les présentations en bonne et due forme. Je suis Roxane Landreiter, et je dirige la team Avalon, qui assure la paix et la tranquillité aux hybrides et en particulier à ceux d’Hoenn. » Elle se figea, tout à coup, la gamine apeurée ; elle se figea et, sous ses yeux, elle revit défiler les dossiers qui passaient de main en main, les noms que l’on soufflait, les portraits que l’on placardait sur les murs. Les têtes à prix, les recherchés, ce tableau de chasse qui la répugnait, du plus profond de son être. C’est ça, putain, c’est ça, elle y était, putain, putain, putain. Elle venait de réaliser, de se souvenir. Son visage, son nom ; putain de bordel de merde. Il y avait comme un courant d’air glacial qui remontait, le long de sa colonne vertébrale, et la rendait tout à coup plus morte que vive.

Ce fut la cendre qui tomba sur ses doigts qui la ranima, et elle s’empressa d’y souffler pour la chasser, avant d’inspirer une ultime bouffée tueuse. Et puis, le mégot tomba au sol, et elle l’écrasa sans plus de considération, en relevant les yeux vers Roxane, dont les mots résonnaient encore à ses oreilles. Je t’offre la protection d’Avalon, venait-elle de dire, et c’était comme si tout s’effondrait — comme si tout ce qui la terrorisait s’effondrait — et qu’il ne restait plus rien d’autre qu’une douce promesse — sûreté, paix, calme, ne serait-ce que quelques jours. C’était inattendu, inespéré et, si une part d’elle crevait d’envie d’accepter sans discuter, une autre faisait preuve de plus de retenue — comme si c’était bien trop beau pour être vrai, ou comme si la crainte d’abuser de la générosité de quiconque la dérangeait. Ou peut-être n’était-ce que sa fierté stupide, qui la rendait incapable d’acquiescer si facilement.
Et puis, il y eut une main sur son épaule, un regard assuré qui ne la lâchait jamais — alors que le sien se faisait plus hésitant, plus divaguant, comme médiocre à la tâche de demeurer fixé en un seul point. « Je ne te force pas la main évidemment, tu fais ton choix. Mais sache que tu es en sécurité maintenant que tu es là. Tu peux souffler sans avoir peur. » Tu peux souffler sans avoir peur. Tu peux souffler sans avoir peur. Tao avait prononcé les mêmes mots, un jour qu’il l’avait retrouvée, prostrée au pied d’un arbre, les joues baignées de larmes, les épaules secouées de sanglots qui la faisaient suffoquer tant qu’elle n’était pas certaine d’être un jour capable d’inspirer à nouveau. C’avait été l’une de ces descentes parmi les pires, où les regards qui s’étaient posés sur elle au moment fatidique étaient un peu plus innocents, un peu moins résignés à mourir. Elle s’était exécutée, pourtant ; jusqu’à ce type. Il n’était pas encore majeur, et il avait sur ses traits le même dessin d’épouvante constant qu’elle-même affichait. Elle avait flanché, c’était dans le sol qu’elle avait tiré, en se penchant à l’oreille de l’adolescent pour lui souffler de fuir. Elle y avait cru, un instant, et puis il s’était effondré. Et ça n’était pas elle qui l’avait tué. 
Ce jour-là, plus que tous les autres, elle avait haït Twan, Twan et son sang-froid, Twan et sa cruauté, Twan et ses immondices, Twan et son immoralité. Elle l’avait haït, exécré, elle le tenait en horreur et ç’avait été pire encore à compter de ce jour-là. Tao avait passé des heures à l’apaiser, la rassurer et, au creux de ses bras, il le lui avait dit : tu peux souffler sans avoir peur. 
Elle avait soufflé, et elle n’avait plus eu peur.

Elle détourna le regard, lorsque la brûlure des larmes qui montaient se fit sentir — quand bien même essayait-elle à tous les coups de les refouler, elle n’était rien d’autre qu’une enfant accidentée, qui ne demandait qu’à être rassurée, réconfortée, comme on venait la consoler d’une étreinte aimante lorsque ses cauchemars la tiraient du sommeil et l’empêchaient d’y replonger, des heures durant. « Je ne… C’est… C’est risqué, enfin… Je ne veux pas vous attirer d'ennuis, si vous aviez des soucis par ma faute je—je ne me le pardonnerais pas... » Elle s’était mise à trembler et, bientôt, ses jambes ne la portèrent plus. Si c’était l’épuisement, ou le vertige qui s’était saisie d’elle à force de repenser à tout le sang qui avait coulé, ce jour où elle avait tenté de sauver un gosse aussi paumé qu’elle, elle n’en savait trop rien. Mais elle manqua s’effondrer, se dérobant à la main de Roxane pour s’adosser de nouveau à la roche tiède et assurer son équilibre. Si tu tombes, tu t’relèveras pas, tu sais, elle songea, se faisant violence pour tenir encore debout. « De l’eau, je—faut que j’me lave les mains, faut que—ça brûle, je dois les laver, je— » Sa voix se brisa, et les mots s’étranglèrent dans sa gorge. Ses ongles s’écorchèrent sur les pierres sèches lorsqu’elle serra les poings, et elle se mordit si violemment la langue qu’elle ne pu retenir la perle salée qui roula, finalement, le long de sa joue et jusqu’au creux de son cou.
Pleure pas, putain, merde, Zoey chiale pas, se répétait-elle comme une litanie, dégoûtée, d’elle-même et du monde entier, de Twan et de sa propre lacheté. Putain Zoey, arrête, se serait-elle craché à la figure, si seulement elle l’avait pu. « Je—désolée, j’suis désolée, j’suis tellement désolée Roxane... » Elle les retenait encore, ces larmes acides, amères, poison vicieux, avec sa volonté de fer et son ego déjà trop entamé. Elle tenait bon, par fierté, par arrogance, alors même que son être entier menaçait de s’effondrer, à la moindre seconde supplémentaire qui s’ajoutait au compte de toutes les autres dont elle était survivante.
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MessageSujet: Re: Like a savior you turn on the light ; Roxane   Like a savior you turn on the light ; Roxane Icon_minitimeDim 30 Juil - 13:07

C’était tout un panel d’expressions plus crèves-coeur les unes que les autres qui étaient passées dans les yeux de la jeune fille au fur et à mesure que Roxane parlait. Nostalgie, mélancolie, tristesse, peur, dégout, regret, et finalement une lueur d’espoir, mêlée à quelque chose de plus retenu, de plus sombre –l’appréhension. Et finalement elle détourna le regard, elle baissa la tête ; et par les dieux, ce simple mouvement avait réussit à ébranler toute la belle assurance de la Landreiter le temps d’un instant. Elle ne se serait pas retenue de le faire, elle l’aurait prise dans ses bras, l’aurait bercée comme on berce une enfant pour l’apaiser et lui aurait promis toutes les merveilles du monde si seulement cela suffisait à insuffler un peu plus de joie et d’insouciance dans ses jolis yeux. Mais on ne fait pas ça à une inconnue rencontrée quelques minutes plus tôt à peine, et surtout, Roxane savait que les promesses ne valaient jamais grand chose : les actes oui, mais les promesses, ça n’était jamais que des attentes irréelles qui se soldaient souvent sur de faux espoirs qui font plus sombrer qu’autre chose. Elle avait cru à bien des promesses auparavant, et elle avait amèrement regretté chacune d’elles –sauf une : celle de Judas, qui lui avait promis d’être son bras droit, son pilier, son plus fidèle allié, et qui n’avait pas encore faillit une seule fois.

▬ Je ne… C’est… C’est risqué, enfin… Je ne veux pas vous attirer d'ennuis, si vous aviez des soucis par ma faute je—je ne me le pardonnerais pas…

Elle tremblait, et bientôt ses jambes ne la supportèrent plus, si bien qu’elle tituba, manqua de s’effondrer et s’adossa au mur de pierres chaudes derrière elle avant que Roxane n’esquisse le moindre mouvement pour la rattraper si nécessaire.

▬ Sans vouloir t’effrayer trésor les ennuis ça fait plus de dix ans que j’suis dedans jusqu’au cou, elle souffla alors dans un ricanement léger. À force crois-moi on sait comment s’en protéger ; et comment en faire profiter ceux qui en ont besoin, elle ajouta d’un ton plus doux.

Du coin de l’oeil, elle remarqua ses mains crispées sur la roche, éraflées, un peu plus que tout à l’heure même et de nouveau elle eut un pincement au coeur. On vivait vraiment dans un monde vicié jusqu’à la moelle pour qu’une enfant errante telle que celle qu’elle avait sous les yeux en soit réduite à un tel état de fatigue morale et physique. On avait vraiment des dieux défaillants pour qu’avec l’immensité de leurs pouvoirs, ils laissent passer ça.
Au fond, malgré l’éducation de ses parents, elle n’y avait jamais vraiment cru à ce Dieu si puissant ; cet Arceus. Son existence, elle ne la remettait pas en cause. Mais sa divinité, si. 
Elle refusait d’honorer et de prier ceux qui ne faisaient rien pour faire du monde un endroit plus beau et plus juste.

▬ De l’eau, je—faut que j’me lave les mains, faut que—ça brûle, je dois les laver, je—

▬ Chut, elle murmura d’une voix si douce et si ténue que Louve seule pouvait l’entendre, en passant délicatement une main sur sa joue pour en chasser la larme qui venait d’y rouler, cesse de t’agiter, tu vas empirer ton cas…

Toujours avec autant de précaution que si elle eut été faite du cristal le plus fragile qui soit, Roxane laissa ses mains glisser le long des bras de Louve pour venir enrouler ses mains autour des siennes, comme pour les prendre dans un étau de douceur fraîche, comme pour apaiser son mal par un simple toucher ; elle n’avait pas la prétention d’en être capable, loin de là –ça se saurait si elle avait été le genre d’hybride doué de ce genre de capacité– mais c’était l’intention qui comptait il paraissait. Et elle en avait à revendre, de cette intention.

▬ Je—désolée, j’suis désolée, j’suis tellement désolée Roxane…

▬ Désolée de quoi ? D’avoir besoin d’aide ? D’avoir envie de pleurer ? –un sourire aussi bienveillant que peiné se dessina sur ses lèvres alors qu’elle attira doucement la jeune fille vers elle pour l’inciter à prendre appui sur elle plutôt que sur le mur ; car elle en était certaine, elle ferait un appui plus fiable, et ironiquement plus chaleureux que cet empilage de roche tiède. Que je sache je n'ai rien à te reprocher personnellement et tu n’as rien à te faire pardonner devant moi ; si c’était le cas j’aurais entendu parler de toi bien avant si tu veux mon avis.

Elle lâcha l’une de ses mains en prenant garde à ne pas écorcher un peu plus la peau d’un geste malencontreux et vint glisser ses doigts sous le menton de la jeune fille pour la pousser à relever la tête et la regarder dans les yeux. Et quand son regard de sapin croisa les iris rubescentes de Louve, elle esquissa un nouveau sourire tendre avant d’écarter de son visage une de ses mèches sombre qu’elle alla coincer derrière son oreille.

▬ T’as assez couru pour aujourd’hui Louve. C’est fini maintenant, on va s’occuper de toi –elle aurait bien dit « je vais m’occuper de toi », mais peut-être que ça l’impliquait un peu trop personnellement et qu’en temps que cheffe d’une organisation elle ne pouvait pas forcément se le permettre ; mais encore une fois, l’intention était là– à Avalon tu pourras compter sur plein de gens qui n’hésiteront pas à t’aider –ou tout du moins qui ne discuteraient pas ses ordres si elle le leur demandait– tu auras droit à une chambre, un lit, des repas chauds, des soins, comme tous les autres. Si tu acceptes bien sûr, je te l’ai dit, je ne te force à rien.

Elle savait trop bien ce que ça faisait que d’être forcée, même quand on l’avait fait « pour son propre bien » et elle l’avait suffisamment mal vécu pour ne jamais le faire subir à quiconque.
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