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 it's what keeps me going ; rhapsodie

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Yûki
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Yûki


Messages : 707
Date d'inscription : 29/06/2012

Feuille de personnage
random: ici petit poney

it's what keeps me going ; rhapsodie Empty
MessageSujet: it's what keeps me going ; rhapsodie   it's what keeps me going ; rhapsodie Icon_minitimeDim 30 Juil - 0:45

Rhapsodie
feat (source)
Rhapsodie Flynn Miller
Orientation non renseignée
15 ans
Pokémons ; Noctali Shiny
Aucun job
Hoenn ; Cimetronelle
Attaques
Onde Folie - Rhapsodie est un lâche, combattre l'ennuie lorsque ce n'est pas nécessaire, l'effraie lorsque le danger est trop grand ; alors Onde Folie l'aide à se défaire de ses adversaires en les sonnant, suffisamment pour qu'il ait le temps de fuir.

Feinte - Fourberie est un maître-mot quand il s'agit de survie, et Feinte en est l'exemple parfait : se jouer d'airs innocents avant de fondre sur sa proie, lui asséner un coup violent, et s'éloigner comme si de rien n'était, le jeune Noctali sait y faire.

Morsure - Les armes les plus ancestrales restent les plus sûres, de celles qui ne trahissent jamais ; les crocs animal de Rhapsodie demeurent tranchants au possible, capables de déchiqueter le corps de quelque proie qu'il prendrait pour cible, et ne manquent pas d'infliger de profondes blessures à quiconque le titille d'un peu trop près.

CT45 Attraction - Il ne sait même plus comment il l'a obtenue mais, une chose est sûre, il ne sait pas s'en servir ; pas tout à fait, en tout cas. La catastrophe n'est jamais loin lorsqu'une fille côtoie Rhapsodie, et il ne lui reste plus qu'à se confondre en excuses une fois les effets dissipés.
i don't want to be like 'em
Physique • J'vous jure qu'il est beau, mon frère...
Nous étions au bord de l'étang, en plein milieu d'une clairière offerte aux derniers rayons du soleil qui filtraient entre les arbres, et je regardais mon frère, assis à côté de moi. La tête levé vers le ciel, il l'observait qui s'assombrissait, espérant apercevoir la première étoile avant quiconque ici bas. Je savais d'ors-et-déjà qu'une fois parti, on ne le reverrait pas avant demain matin ; ça ne nous étonnait plus, papa, maman et moi. Nous n'avions pas vraiment peur, la région était plutôt calme, et Rhapsodie était sans doute de nous tous celui qui se défendait le mieux —enfin, nous osions espérer que la fougue de sa jeunesse faisait une arme efficace. De toute façon, il avait toujours eu ce don pour se fondre dans l'obscurité, même lorsque ses cheveux affichaient encore ce blond platiné, si clair que l'on se demandait s'ils n'étaient pas plus blancs, argentés qu'autre chose. Il n'avait pas fallut longtemps à mes parents pour comprendre qu'ils avaient mis au monde un petit chromatique. Je crois que j'ai longtemps été jalouse de sa différence, lui qui se pavanait avec celle-ci en dévoilant oreilles et queue, dés qu'il fût en âge de comprendre qu'il était rare. Je me souviens des yeux qu'il avait alors, deux écrins d'abysses ouverts sur l'infini, ou sur le néant peut-être, je ne suis plus sûre. Et, quand bien même ses prunelles n'étaient qu'obscurité profonde, elles en disaient toujours bien plus long sur ce qu'il ressentait qu'il ne l'aurait voulu, sans doute. Il détournait souvent le regard, d'ailleurs, pour que l'on ne sache pas ce à quoi il pouvait penser. Déjà, à cette époque, il avait quelque chose de mystérieux et... d'attirant ?

Sans mentir, ce soir là, sous les reflets du soleil couchant et la légère brise qui nous venait du nord, mon frère était beau. Oui, il était beau, avec son sourire, ce si léger sourire que j'aimais tant lui voir et que je faisais naître sur ses lèvres dés qu'il m'en laissait l'occasion. J'adorais lorsqu'il tournait la tête vers moi, et que je pouvais me plonger dans ses yeux qui, après qu'il eut évolué au cours de l'une de ces nuits qu'il passait dehors, dans la forêt, avaient pris la teinte et les nuances des mers les plus profondes et les plus paisibles, celles où règne une plénitude infinie. Il y avait quelque chose de différent dans son regard, quelque chose de plus mâture, de plus adulte même s'il en était loin ; il grandissait même s'il restait un enfant. Il n'avait pas perdu cette lueur malicieuse qui brillait dans ses prunelles, ce petit éclat fripon qui le rendait si attachant, cette lueur d'insolence qui le rendait tout à la fois agaçant. Je me souviens que le vent tiède agitait ses cheveux, qui venaient danser devant ses yeux. Il n'essayait pas de les chasser, je crois qu'il aimait les laisser libres comme l'air, comme le vent et comme le monde, libre d'aller comme ils voulaient, sombres et porteurs de la nuit. Je n'avais jamais vu de cheveux aussi noirs que les siens, avant ; ils avaient sans cesse l'air d'être éclairés par la lueur blafarde de la lune, même en plein jour, même à midi lorsque le soleil tapait fort au dessus de nos têtes. Quand je l'ai vu ce soir là, mèches devant les yeux et sourire en coin pendant que le crépuscule inondait notre univers tout entier, j'ai compris que Rhapsodie était fait pour elles, pour la nuit et l'obscurité. Il avait été façonné à même celles-ci, dans leur silence et tout ce qui en découlait. Mes parents pensaient qu'il deviendrait un Phyllali, un Mentali peut-être, mais j'ai su à ce moment-là qu'il n'aurait jamais pu être autre chose qu'un Noctali. C'était sa destiné, sa fatalité.

J'ai songé aussi qu'il avait toujours eu un côté sauvage en lui, qui se reflétait dans son apparence, sa carrure et sa façon de se tenir, dans ses crocs taillés et dans les griffes qu'il dévoilait quand il s'agaçait et qu'il voulait effrayer ceux qui l'ennuyaient. Il n'était peut-être pas si beau que ça en fait, avec ses cernes appuyées et ses lèvres gercées à force d'y mordre sans cesse, mais j'avais entendu dire qu'il plaisait aux quelques filles qu'il connaissait. Certaines devaient lui trouver un côté fragile, sans doute, à cause de ses traits fins et de son côté gringalet. Lorsqu'il avait évolué, il avait grandi, beaucoup, mais il avait toujours été parmi les plus petits avec son mètre soixante-et-un, même au milieu des filles. Je me souviens qu'il m'en avait présenté quelques unes, elles le dépassaient presque toutes ; cela ne semblait pas le déranger, mais je crois qu'il a eu du mal à accepter d'être si petit. D'autant plus qu'il restait obstinément maigre. Qu'importe ce qu'il mangeait, il stagnait toujours aux alentours de cinquante, cinquante-et-un kilos. Je dois dire, j'en avais beaucoup après lui, à cause de ça ; il était sans cesse en train de manger, affalée sur son lit en attendant que le soir tombe, et il ne prenait jamais un gramme. Rien que le regarder faire me faisait prendre des kilogrammes sur la balance. Ou alors, peut-être étaient-ce ces bonbons que je lui volais quand il s'absentait... C'était injuste dans tous les cas. Et ça, ça le faisait bien rire, c'était au moins un avantage à son physique qui le rendait toujours trop petit pour faire ci, et pas suffisamment musclé pour faire ça. Et ses muscles, c'était toute une histoire, d'ailleurs... Il se plaignait tout le temps de ne pas en avoir, alors qu'il passait ses nuits à crapahuter dans la forêt. C'était un détail sur lequel j'aimais le vanner, même s'il le prenait souvent mal. Il n'y avait pas de quoi fouetter un Chacripan pourtant, il restait toujours plus fort que moi, au moins...

Quand il s'est levé, je n'ai pas pu m'empêcher de lever les yeux vers lui, je n'avais pas envie qu'il s'en aille et me laisse seule, comme tous les soirs. C'était inévitable, habituel, mais ça me faisait toujours quelque chose ; je crois que j'avais peur qu'il ne revienne pas au petit matin. Il se fondait déjà dans l'obscurité ambiante, entièrement paré de noir, ou presque. Je le voyais rarement porter autre chose, il y avait du rouge souvent, du bleu parfois, un peu de blanc de temps à autre, mais le noir était sans conteste la couleur qui lui convenait le mieux, c'était la nuit, il était la nuit. Il n'a jamais vraiment cherché à suivre la mode des humains, ou même la mode tout court, il s'habillait comme bon lui chantait et, souvent, il n'était pas très rapport. Je riais toujours en le voyant porter des bonnets au beau milieu du printemps, voire de l'été, et sortir on ne peut plus dévêtu sous les températures glaciales de l'hiver et la neige qui chutait du ciel gris. Je crois qu'il a toujours eu du mal à se sentir en phase avec le monde qui l'entourait, il ne se sentait pas chez lui dans ce corps d'humain, alors qu'il n'a jamais connu celui de Pokémon. Je ne sais pas si papa et maman comprenaient pourquoi Rhapsodie insistait pour se faire percer l'oreille, pour y glisser boucle et piercings. Non, je ne pense pas qu'ils aient compris ce que moi, j'ai compris : il tentait de prendre possession de ce corps qui lui échappait et lui déplaisait tant. Je serais incapable de dire s'il y est parvenu, ou toujours pas.

Je ne sais plus à quoi il ressemble aujourd'hui ; je garde en mémoire cette image que j'ai eue de lui au bord de l'étang, lorsqu'il m'a lancé ce dernier regard, ce dernier sourire par dessus son épaule avant de s'en aller pour la nuit ; je garde ce souvenir on ne peut plus précieusement, jalousement, il n'appartient qu'à moi et je veux que jamais il ne s'efface. J'ai entendu dire qu'il ne sourit plus depuis qu'il m'a perdue, et que la plénitude de l'océan dans ses prunelles s'est changée en ouragan, en déferlante de haine et de colère qu'il ne sait pas vraiment exprimer. On m'a dit qu'il avait toujours la tête haute, mais plus la stature des vainqueurs qui croient en leurs certitudes de toujours. On m'a dit aussi qu'il avait des cicatrices sur les mains, venues d'on ne sait où ; on souffle dans les allées qu'il frappe les murs et les rochers pour évacuer tout ce qu'il ne peut dire à personne. Il paraît qu'il a l'air plus fragile qu'avant, que son teint est plus pâle et ses cernes plus sombres, que sa voix est un peu moins assurée, moins enjouée et moins charmeuse, qu'elle tire plus facilement sur les aigus quand quelque chose l'atteint, le blesse. Je crois qu'il manque un bout de mon frère dans cet adolescent dont on me conte la nature ; il n'est plus le même, juste un inconnu dans le corps ravagé de mon frangin.

Caractère • ... même s'il est un peu con.
Rhapsodie n'a jamais eu confiance en lui. C'était bien pire, enfant, il n'osait même pas se dresser contre moi lorsque je lui volais l'un de ses jouets. C'était un peu mon plaisir cruel, de le faire crier en lui arrachant ses précieux biens, qu'il n'osait jamais me reprendre des mains. Ce que je prenais ne lui revenait en général plus jamais, parce qu'il n'osait même pas se plaindre à nos parents. Il lui a fallu des années pour qu'il comprenne enfin qu'il pouvait se venger. Un jour, il a découvert que l'on pouvait décapiter les poupées. Croyez-moi, il ne s'en est pas privé. Pour toutes ces choses que je lui avais prises, c'était sans doute de bonne guerre, mais je l'ai mal pris. Très mal. C'est devenu un combat acharné entre nous, à qui démolirait le plus les jouets de l'autre. Aujourd'hui encore, certaines de nos affaires sont porteuses des vestiges de cette époque de feu et de sang -version gamins. Il n'empêche que je dois reconnaître une chose : lorsqu'il a compris qu'il pouvait être autre chose qu'une victime, il est devenu un peu différent. Ce n'était pas énorme, mais c'était beau de le voir s'affirmer un peu plus qu'avant. Il n'était plus aussi pleurnicheur. Je crois même que, passés les huit ou neuf ans, il n'a plus pleuré pendant longtemps. La société veut ça : les garçons ne pleurent pas. Ou, du moins, ils se cachent pour le faire. Je crois que Rhapsodie fait partie de ceux qui étouffent leurs sanglots et attendent d'être seuls pour s'effondrer. Quoiqu'on en dise, il a une certaine force de caractère, même s'il n'est pas infaillible.

Enfin, force de caractère... Il a toujours été du genre à se laisser embarquer par ses amis sans chercher à contester, ils parlaient et Rhapsodie acquiesçait. Il n'osait pas dire non, à cette époque-là. Pour lui, ses amis ne voulaient que son bien, il pouvait les suivre en toute confiance. Heureusement, il avait raison. Il était jeune il faut dire, ils l'étaient eux aussi pour la plupart. Il n'y avait pas le risque qu'il se retrouve à tremper dans des affaires louches, glauques ou malsaines, et c'était un bon point. Je n'aurais pas voulu d'un frère camé, alcoolique, qui cherche des ennuis à d'autres et s'enlise dans des histoires risquées et à l'issue incertaine. Au contraire, je dois admettre que s'il y a une chose que j'ai toujours grandement appréciée chez lui, c'est son côté sensible. Il le camouflait bien, derrière des tonnes de râles, d'insultes et de détournement de conversations, mais il était très rarement indifférent face aux autres. La détresse, la souffrance d'autrui le touchaient, lui donnaient envie de tendre la main. Il était du genre à aider la veuve et l'orphelin. Enfin, oui, il l'était dans mon souvenir. C'est pour dire, un jour, il est grimpé très haut dans un arbre pour aider un petit Lixy aventureux à redescendre sans danger. Ce jour là, il avait essuyé les remerciements de la mère Luxray d'un revers de la main, mais j'ai sans peine deviné la gêne mêlée de fierté et de bonheur qui brillait dans son regard. Je crois que ça le rendait heureux, d'aider les autres. Même de m'aider moi, pour tout avouer. Je serais de mauvaise foi si je disais qu'il était un mauvais grand-frère, il a toujours tout fait pour moi en vérité. Il me réconfortait quand je pleurais, il me rassurait quand j'avais peur après un cauchemar, il me laissait rejoindre son lit quand je n'arrivais pas à dormir seule dans le mien. Il prenait grand soin de moi, et mon bonheur passait avant le sien. Il a déjà fait bien des sacrifices pour moi, même si je ne l'ai jamais reconnu face à lui. Parce que je suis sa sœur, parce que c'est mon frère, et que nous ne savions pas nous aimer vraiment autrement qu'en nous crachant des horreurs à la figure. Les moments de tendresse sont devenus rares, avec le temps.

Je ne sais pas si ça lui a fait mal, que l'on s'éloigne, que l'on se perde, et que l'on perde notre complicité d'antan. Il a toujours été fragile, je suppose qu'il en a été affecté. Tout s'est enchaîné dans sa vie en vérité, et je crois qu'après avoir perdu son meilleur ami, il n'était plus vraiment le même. Il était... Comment expliquer que j'avais parfois du mal à voir mon frère en face de moi quand il m'adressait la parole ? Sa fragilité s'est exposée au grand jour, tout simplement, au travers de mille larmes et d'une agressivité terriblement violente, parfois. Il m'a fait peur, souvent. J'étais terrifiée à l'idée de le perdre totalement aux profits de cet être plein de colère qui n'était pas mon frère. Il est devenu avare en rires, et ils en étaient d'autant plus précieux, comme celui que j'ai entendu lorsque je lui ai affirmé qu'il était con, en le regardant dans le blanc des yeux, parce qu'il m'avait raillée sur mes dessins à l'ombre d'un arbre de la clairière. C'était tellement rare qu'il adopte un comportement si léger, depuis, que nous n'étions même plus sûrs de pouvoir y croire ; faisait-il semblant pour que nous ne nous inquiétions pas trop ? C'était impossible de le savoir. Il avait l'air de nous cacher quelque chose, tout le temps, quelque chose de bien trop lourd pour ses épaules mais dont il ne pouvait pas parler pour ne pas causer de tort. Même à moi, il n'a jamais rien dit. Pourtant, j'aurais voulu être capable de le soulager un peu, qu'il ne soit plus si seul dans ce monde qu'il créait de toutes pièces, loin de nous, de mes parents, de moi, du foyer qui l'a vu naître et grandir. Il nous échappait, et c'était inéluctable ; nous étions impuissants. Nous le perdions un peu plus chaque jour, ou plutôt chaque nuit. Il disparaissait, ne revenait que bien plus tard, ne rentrait pas toujours. A chaque fois plus froid, plus distant, moins souriant, c'était d'autant plus difficile de croire que les quelques rires qui éclataient quand il était en notre compagnie étaient réels. J'espère qu'ils l'étaient. Je l'espère sincèrement. Je n'ai pas envie que les derniers mois que j'ai passés à ses côtés n'aient été que mensonges, artifices et simulacres pour ne pas trop attirer l'attention —alors qu'il ne faisait que ça. Tous les trois, papa, maman et moi, ne regardions que lui, hantés par la peur, par l'angoisse que lui aussi commette l'irréparable, comme l'avait fait son meilleur ami peu avant. C'était inqualifiable, cette angoisse qui nous serrait le cœur, de crainte qu'il ne s'abandonne lui aussi à cet acte désespéré. Il ne l'a jamais fait.

Je ne sais plus si je dois parler de lui au présent, ou au passé en vérité. Je ne l'ai pas revu depuis ce qui me paraît une éternité. Cette nuit-là, mes convictions à son égard ont été remises en doute ; je crois désormais qu'il n'est plus vraiment capable de venir en aide à la veuve et l'orphelin. Je crois qu'en fait, il n'en a plus envie. Peut-être parce que lui-même n'a pas su être aidé ? Parce qu'il n'a pas su s'aider ? On dit que pour aider les autres, il faut d'abord s'aider soi-même. Je crois qu'il n'a jamais avancé. Je ne sais pas trop ; pour tout avouer, je ne sais plus grand chose. Tout ce que je peux raconter à son sujet aujourd'hui, c'est ce que ce type a bien voulu me dire. De ce qu'il m'apprend, Rhapsodie rôde parfois dans les environs, le meurtre dans les yeux, la haine dans les poings, la rage dans l'âme. Il n'est plus le même, il n'est plus grand chose sinon une colère palpable et informe qu'il n'étouffe plus. Parce qu'il est fragile, et qu'on a achevé de lui ôter ce qu'il lui restait —moi. C'est ce que cet homme m'a dépeint, avec un sourire en coin, l'air satisfait de la souffrance infligée à mon frangin et à moi-même. Je l'aurais tué, si j'avais pu, si j'avais su. Je ne voulais pas l'entendre dire de mon frère qu'il n'était plus rien qu'un égoïste qui se moque de la vie d'autrui, qu'un lâche qui fuit face aux responsabilités, qui abandonne les autres derrière lui pour sa propre survie. Et, pourtant, une part de moi parvenait à y croire : il m'avait abandonnée, moi, derrière lui, cette nuit-là. Il m'avait laissée entre leurs mains, ne s'était pas retourné. Peut-être que si, en fait. Est-il revenu voir ce que l'on avait fait de moi ? Je ne sais pas. Je suppose que oui, quelque part, sinon pourquoi prendrait-il le risque de s'aventurer si près d'ici ? Je crois qu'il sait. Qu'il s'en veut, peut-être. J'ai peur de ne pas savoir lui pardonner ; est-il blessé ? Blessé dans son cœur, comme moi je le suis ? S'il est toujours ce garçon fragile qui donnait envie à toutes les filles de le prendre dans leur bras, sans doute que oui. Mais je ne suis pas sûre de vouloir le savoir.

J'espère simplement qu'il a gardé un peu de ce qu'il était, autrefois. Je le revois encore, maladroit dans ses mots, incertain dés qu'il s'agissait d'annoncer quelque chose d'important, ou de mettre des mots sur ses sentiments. Il n'a jamais su comment s'y prendre, il n'a jamais été de ceux qui savent s'y faire avec le vocabulaire et ses finesses. Rhapsodie n'était pas de ceux qui parlent pour régler les conflits : il fonçait dans le tas, il cognait, il mordait et puis il encaissait les représailles avec la tête haute. Il a toujours eu un côté violent, c'est vrai, maintenant que j'y pense, mais il n'a jamais eu un mauvais fond. Il ne frappait que si l'on s'en prenait à ce et ceux qui lui étaient chers, chers comme la prunelle de ses yeux. Ce type me dit qu'il n'a pas l'air d'un ami de confiance, plutôt celui qui se détourne du jour au lendemain sans un mot, sans une explication, par égoïsme et lâcheté -encore. Je ne sais pas s'il dit vrai, j'ai du mal à imaginer mon frère autrement qu'entouré d'amis à qui il confierait sa vie sans hésiter. Mais il est vrai qu'après avoir perdu le plus précieux d'entre eux, il s'est détourné de tous les autres sans rien leur dire, sans plus répondre à leurs tentatives de renouer, sans plus se rendre en cours ni même en ville. Peut-être que cette enflure ne ment pas, que mon frère est bel et bien devenu un lâche apeuré qui ne compte plus que sur lui-même. Rhapsodie, me décevras-tu à ce point ? Je n'ai pas envie de voir mon frère comme ça. Mais ce type m'y force, il me raconte tant de choses que je ne sais plus défaire le vrai du faux. Et, rien que pour savoir, j'aimerais le revoir, lui, Rhap, Rhapsy, mon frangin. Je voudrais que, le jour où nous serons amenés à nous croiser à nouveau, il sourie. Qu'il sourie, et qu'il soit toujours le même : cet abruti d'adolescent qui n'a vraiment, mais alors vraiment aucun tact, celui qui parle avant de réfléchir, celui pour qui tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de l'ouvrir ne veut rien dire, celui qui cache des magazines pour les grands sous son lit et grogne quand on le réveille tôt alors qu'il a passé la nuit dehors ; celui qui me regarde d'un air désespéré ou compatissant, me passe une main dans les cheveux en me traitant de gamine, et se plaint dés que je me venge d'une morsure ou d'un coup de pied. En fait, j'aimerais retrouver mon frère, comme il l'était avant que la vie ne décide de le casser en morceaux de manière irréversible. Si seulement c'était possible, je pourrais enfin lui dire ce que je pense vraiment de lui : je l'aime, et qu'importe tout le reste, il reste ce garçon attentionné, sensible, présent, celui qui a pris soin de moi, envers et contre tout... Tant que c'était encore possible, et même s'il a changé a présent, et que je le détesterai peut-être.

Histoire • Mine de rien, on était bien avant qu'la vie nous brise.

When I was a child so young and so naive
I dreamt that a prince would come, we’d fall in love, and I’d be happy

Lolita Quins, Rhapsodie's mother. — J'étais jeune lorsque j'ai rencontré Crescendo. Je ne sais plus vraiment ce qui m'a attirée, chez lui. Étaient-ce ses yeux bruns, brillants, heureux, dans lesquels on voyait mille rêves sans fin ? Ou bien son sourire, peut-être, et les fossettes qui creusaient ses joues quand il riait face à l'objectif ? C'était peut-être juste sa tignasse verte, qui m'avait amusée. Je me souviens avoir passé ma main dans ses cheveux, en me moquant gentiment de lui. Nous nous connaissions à peine, j'étais déjà on ne peut plus familière avec lui, et il me le rendait bien. Il n'était que de passage à Lavandia, et ce n'était pas pour un simple séjour touristique. Sa mère, une vieille Pyroli qui semblait avoir fait son temps sur terre, était souffrante ; il ne disait pas grand chose à se sujet, mais il savait sans conteste que c'était la fin. Il était préparé, mais j'ai deviné derrière ses sourires qu'il avait mal. Il m'a parlé d'elle, un soir, alors que nous marchions dans les rues de la capitale ; elle avait été la mère parfaite, celle qui donne tout pour ses enfants, se sacrifie, se tue à la tâche pour offrir une vie digne de ce nom à la chair de sa chair. Elle avait été cette mère idéale mais que l'on ne remercie jamais assez, celle à qui l'on ne pense à dire « merci » que le dernier jour, parce qu'avant on la croyait éternelle, parce qu'avant on était persuadé de n'avoir jamais à dire « adieu ». Crescendo croyait en une vie après la mort. Il y croit toujours, d'ailleurs. Pour lui, c'est une évidence : on ne meurt jamais vraiment. Je n'ai jamais osé le contredire.

Le dernier souffle est arrivé, brutal et douloureux. C'était inévitable, prévu, ce n'en était pas moins déchirant. C'étaient ses vingt-trois années d'existence qui se brisaient, se fendaient en leur milieu parce que celle qui lui avait appris à marcher, à parler, à manger, celle qui l'avait conduit à l'école, lui avait fait faire ses devoirs, avait encaissé ses paroles agressives et le son des portes qui claquent pendant sa crise d'adolescence, celle qui l'avait aimé de cet amour inconditionnel dont seules sont capables les mères s'était éteinte. Quand je l'ai appris, j'étais impuissante face à la détresse de Crescendo. C'était stupide sans doute, d'être aussi affectée par la douleur d'un homme que je ne connaissais que de quelques jours auparavant, mais je n'ai pas pu m'empêcher de me sentir concernée. J'aurais voulu lui être plus utile ce jour-là. Je n'ai rien pu faire d'autre que poser une main sur son bras, dans un geste que je voulais réconfortant et qui n'a, je pense, été que maladroit. Trois jours plus tard, nous nous sommes revus aux funérailles. Et nous avons encore passé la soirée ensemble, seuls dans les rues, dans le froid qui s'installait sur Lavandia, et sous les premiers flocons de neige qui tombaient du ciel en une sublime valse. Nous nous sommes arrêtés sur le trottoir, pour observer le spectacle.

« Je... Je me demandais. Qu'en est-il de ton père ? » Je n'aurais peut-être pas dû demander, mais la curiosité avait toujours fait partie de mes pires défauts. J'ai eu peur qu'il se braque, se renferme, me dise qu'il s'en allait. Il n'a rien fait de tout ça. Il s'est juste appuyé contre l'une de ces rambardes qui bordent les trottoirs, et il a gardé le silence, un long moment. Je n'ai rien osé dire de plus. Heureusement, ça n'a pas duré. Il a répondu. « Il s'est barré quand j'avais douze ans, et que ma mère était enceinte de ma deuxième petite sœur. C'était juste un con, qui trompait ma mère. » Pour tout avouer, je m'en suis voulue d'avoir mis ce sujet sur le tapis. Et je me suis sentie mal de ne pas pouvoir comprendre ce qu'il avait vécu, ce qu'il avait perdu. Je me suis toujours demandé ce que l'on ressentait lorsque la vie brisait notre famille de la sorte. « Et toi ? » Je me souviens du ridicule de la situation, moi qui ouvre de grands yeux en pointant mon index vers moi-même, comme s'il avait pu s'adresser à quelqu'un d'autre. Et lui qui hoche la tête, avec tout le sérieux du monde. Ce que j'ai pu me sentir bête, ce jour-là. « Mon père et ma mère sont en vie, mariés, je suis fille unique. Rien de bien palpitant... » Le sourire est revenu sur ses lèvres à ce moment là. Il m'a atteinte en plein cœur, tant il était beau. « Fille unique, hein... La pourrie-gâtée qui mène la vie dure à ses parents pour obtenir tout ce qu'elle veut ! » S'il y avait eu suffisamment de neige, je crois que je lui en aurais fait manger. A la place, je me suis jetée sur lui, sans savoir ce que je voulais vraiment lui faire. Il riait, et j'ai fini par le suivre dans son fou rire. Il m'a dit qu'il aimait ma légèreté, sans doute due à mon âge. J'avais cinq ans de moins que lui, tout juste dix-huit ans, marchande dans la boutique d'une amie. Elle y vendait des produits qui embaumaient fort l'endroit ; du thé, des arômes, des huiles essentielles, le tout fabriqué de sa main et le plus naturellement du monde. Elle m'avait appris à faire quelques petites choses. Ce soir-là, Crescendo m'avait fait remarquer que je sentais le citron. C'était précisément l'arôme avec lequel je préférais travailler, en vérité.

Il m'a raccompagnée jusque chez moi, et je n'ai pas osé l'inviter à entrer. Il s'est penché vers moi, a paru hésiter, et puis m'a simplement fait la bise. « Je pars demain soir. Serait-ce trop demander que de vouloir te revoir, Lolita ? » Mon cœur a loupé un battement à ce moment précis. Il y avait tellement de films, de scénarios improbables qui se jouaient dans mon esprit, un millier à la seconde au moins. Il m'a fallu un bon moment avant d'être capable de bredouiller un vulgaire : « J-Je... Oui ? » Il a souri et s'est à nouveau penché vers moi, pour m'embrasser sur le front. Il s'est détourné en m'adressant un signe de main, et je n'ai fermé la porte que quand je n'ai plus été capable de le voir. Lorsque j'ai retiré mon manteau, un petit papier plié en deux en est tombé. Je l'ai ramassé, ouvert, et j'ai lu ce qui y était inscrit, d'une écriture un peu gauche. « Au plaisir, demoiselle Quins ; votre compagnie me manque déjà au moment où vous lisez ceci. » J'ai souri comme une imbécile, face au miroir accroché au mur, dans le couloir, et j'ai relu je ne sais trop combien de fois les quelques mots sur le papier. J'avais l'air stupide, mais je crois que j'ai eu un coup de foudre pour lui, à la première seconde. Voir qu'il partageait sans doute l'intérêt que je lui portais ne me laissait pas indifférente, tout simplement.

Toute la nuit, j'ai été incapable de fermer l’œil. J'ai pensé à lui, à ses taquineries incessantes, à ses cheveux en bataille, à son prénom qui, pourtant si étrange, lui allait -lui va- si bien. Ça a toujours été une tradition, dans sa famille. Les noms qui ont trait à la musique. J'ai toujours trouvé ça fascinant, terriblement envoûtant. Crescendo. C'était faible sur le début, fort sur la fin, ça montait et ça brillait, un peu comme ce que j'éprouvais à son égard. Le coup de foudre était puissant, mais ce n'était rien comparé à ce que je ressentais, chaque instant de plus que je passais à ses côtés. J'étais jeune, je n'y connaissais pas grand chose à l'amour -il faut dire, je n'avais connu que des amours d'adolescence, ces relations qui ne tiennent jamais plus de quelques mois au maximum- et pourtant je ne voulais pas laisser passer la chance que l'on me donnait, avec lui. Le matin même, je parlais de Crescendo à mes parents -je vivais toujours chez eux à ce moment-là, même si mes dix-huit ans me donnaient le droit de sortir comme je l'entendais, pourvu que je ne les réveille pas en rentrant en pleine nuit. Aller et venir, oui, mais sans les déranger. Lorsque je leur ai parlé de cet homme, ils n'étaient pas plus emballés que ça -parce que j'étais jeune. J'étais vexée, sur le coup, mais je les comprends aujourd'hui. A dix-huit ans, on est rarement sérieux dans nos amourettes. On a beau dire « mais non, je vous jure, c'est le bon, c'est l'homme de ma vie », les parents ne trouvent qu'à lever les yeux au ciel, un sourire amusé aux lèvres. Ils espèrent que ce garçon -ou cette fille- soit la personne qu'il nous faut, mais c'est tellement rare à cet âge-là. Ils ne m'ont pas empêché de le revoir ce jour-là -ils n'auraient pas pu, de toute façon, même s'ils l'avaient voulu.

J'avais peur que ce soit notre véritable dernière journée ensemble mais, avant d'embarquer pour quitter Lavandia et retourner à Cimetronelle, il a pris mes mains entre les siennes pour les réchauffer, et a plongé son regard dans le mien. Je m'en souviens comme si c'était hier, pour dire. « On se reverra. Je reviendrai. N'hésite pas non plus à venir. D'accord ? » Je crois que mes joues n'ont jamais été plus chaudes qu'à ce moment-là, je devais être rouge pivoine, et c'est peu dire. « Je promets, seulement si tu promets de vraiment revenir à Lavandia. » Il a ri, et j'ai ri aussi, parce que c'était peut-être un peu ridicule, au fond. Pourquoi avais-je tant besoin d'être sûre qu'il ne partirait pas sans se retourner ? Je le connaissais à peine... « Promis. » Son ton laissait présager qu'il ne mentait pas. J'étais heureuse. « Promis. » Quand il s'est penché pour m'embrasser, j'espérais que ce soit les lèvres, ce n'était que la joue. Je m'en suis contentée. Il est parti, sur sa bicyclette, fier et libre comme le vent, emportant avec lui un petit flacon d'huile essentielle de citron que j'ai pu placer dans sa poche, sans qu'il ne le remarque. Je l'ai imaginé sourire en trouvant le flacon, en comprenant d'où il venait, et penser à moi en sentant la fragrance piquante.

Les semaines ont passées, et je me suis demandé, un temps, s'il ne m'avait pas oubliée. Je m'accrochais pourtant à cette promesse qu'il m'avait faite, même si c'était stupide peut-être d'y croire ; qu'est-ce qu'un homme comme lui pouvait bien trouver à une enfant comme moi, naïve au possible, enfantine et sans doute pas assez mâture pour lui ? J'ai fini par me résigner, et c'est là qu'un matin, j'ai entendu frapper à la porte de la maison. Quand ma mère m'a appelée depuis le rez-de-chaussée, en disant que c'était pour moi, l'idée qu'il puisse s'agir de Crescendo ne m'a, en vérité, même pas effleurée l'esprit. Alors, quand je l'ai vu, là sur le palier, bouquet de fleurs à la main, cheveux en bataille et sourire craquant aux lèvres, je n'en revenais pas. Pendant quelques secondes, même, j'ai cru à une hallucination, à un mauvais tour. Il s'est avancé, m'a ouvert les bras. « Ô douce Persian, me ferais-tu l'honneur de lâcher cette rambarde pour venir au couvert de mes bras ? » J'ai ri, et je crois que j'ai même failli pleurer quand je me suis jetée contre lui, sous le regard entendu de mes parents. Ils ne voulaient certes pas s'emballer pour un homme que je connaissais à peine, mais une chose était sûre : il leur faisait bonne impression. Et ça, c'était tout ce que je pouvais espérer. Le meilleur ou rien, de toute façon.

Il est resté une semaine entière, logeant dans une auberge pas très loin d'ici. Il disait souvent que l'agitation de Lavandia le changeait de Cimetronelle, mais je n'y avait encore jamais été. Il m'y emmènerait, un jour, il me disait ; et je savais que ça se ferait. Je voyais déjà un nous au futur alors qu'il n'existait pas encore au présent. J'ai toujours été du genre à m'emballer pour tout et pour rien, il paraît, je n'y peux rien. Crescendo avait capturé mon cœur, c'était inéluctable, et je n'avais pas envie de le lui reprendre. A la place, je savourais chaque instant que je pouvais passer à ses côtés. Le plus beau restera sans doute cette promenade partagée au parc, la troisième fois qu'il est revenu. Nous nous sommes assis au bord d'une fontaine, entourés par la nuit -et les moustiques. Il faisait chaud, ce soir-là, nous étions en plein mois d'août, c'était l'une de ces journées que nous avions passés assis sur le parquet frais, face au ventilateur et devant la télé, à manger de la crème glacée et à plaisanter, sous le regard amusé de mes parents. Nous avions attendu que le temps se rafraîchisse un peu pour sortir, mais, même de nuit, il faisait toujours aussi lourd, et l'orage grondait au dessus de nos têtes. Il n'était pas fort -pas encore. Nous aurions dû rentrer, sans doute, mais nous ne l'avons pas fait.

Installés côte à côte sur la pierre encore chaude de cette journée ensoleillée, nous regardions le ciel noir, parfois illuminé d'un éclair lointain, dont le grondement nous parvenait faiblement. Il s'est tourné vers moi, au bout d'un long moment. « J'y pense. C'était bien de toi, le flacon ? » Et moi, j'avais totalement oublié cette histoire. « Le flacon ? » Je suis sans doute passée pour la dernière des imbéciles, mais il n'a pas cillé. Il ne s'est même pas moqué de moi. « Le flacon d'huile essentielle. Au citron. C'était toi ? » Et je m'en suis souvenu, et j'ai hoché la tête, et il a souri. Et c'est tout. Il ne m'a rien dit de plus, du moins pas avant un bon moment. Je n'ai rien dit non plus. J'aimais ce silence qu'il pouvait y avoir entre nous sans qu'il ne soit gênant. C'était un silence que l'on ne cherchait pas à combler, il ne nous dérangeait pas, il était naturel et signifiait bien plus qu'un millier de mots. L'orage grondait de plus en plus, mais nous ne bougions pas. A un moment, j'ai senti sa main sur la mienne, et j'ai levé les yeux vers lui. Il m'observait, hésitant, incertain. Et puis, comme je ne me détournais pas, il s'est approché et, instinctivement, j'ai compris. Mon cœur s'est mis à battre une chamade folle, j'ai senti le rouge me monter aux joues. Nous aurions pu nous embrasser à ce moment là, mais le temps en décida autrement. Comme dans un mauvais film romantique bourré de clichés. A défaut d'entendre une sonnerie de téléphone nous interrompre, c'est juste la pluie qui nous est tombée dessus d'un seul coup.

Il a gardé ma main dans la sienne en se levant, et il a couru au couvert du perron d'une maison proche du parc. Je l'ai suivi. Nous étions trempés, nous riions, nous étions essoufflés par notre course effrénée et, même si j'étais gelée jusqu'aux os, je n'aurais échangé ce moment contre aucun autre au monde. J'ai senti sa main sur ma joue et puis, la seconde d'après, ses lèvres rencontraient les miennes. Cette fois-ci, je ne m'y attendais pas, j'ai reculé d'un coup, prise au dépourvu. Il m'a regardée, les yeux écarquillés, déçu. Il m'a fallu quelques secondes pour réaliser, puis je me suis dressée sur la pointe des pieds pour l'embrasser à mon tour, et rattraper mon erreur stupide. Il a hésité, puis ses bras m'ont entourée. Et j'ai su ; j'ai su, au plus profond de mon cœur, que c'était le bon. Rien ni personne ne m'a jamais contredite. Rien ni personne n'aurait pu, en vérité. Après ce baiser, nous nous sommes revus encore plus souvent. Je l'ai présenté comme mon petit ami officiel, il m'a emmenée chez lui. J'ai découvert le calme de Cimetronelle, le contact avec la nature, le côté sauvage dont l'éclat luisait toujours dans les yeux de mon Phyllali tant aimé. C'était chez lui, ici, et je devinais qu'il ne serait jamais mieux ailleurs qu'ici. Alors, deux ans plus tard, lorsque nous avons décidé de vivre ensemble, la décision n'a pas été difficile à prendre : c'est moi qui suis partie le rejoindre.

I'll do what I want 'cause this is my life ; here, right now
I'll stand my ground and never back down, I know what I believe inside

Crescendo, Rhapsodie's father. — Lolita attendait un enfant. Nous étions heureux, ensemble, c'était un bonheur incommensurable que de pouvoir être tous les deux dans notre logis, notre petite cabane au fond des bois de Cimetronelle. Le cadre était parfait pour notre famille : la maison était presque au ras du sol, pour faciliter la vie à nos bouts de chou à venir —nous espérions bien avoir au moins deux enfants ensemble—, à la lisière de la forêt. Le tout débouchait sur une clairière, et en son centre un étang, disposant d'un ponton sans doute aménagé par les humains il y a fort longtemps. Il tombait déjà en ruines à l'époque où Lolita m'a rejoint, mais c'avait quelque chose de charmant, de presque féerique : la nature avait repris ses droits, et c'était vraiment beau. Tout était parfait, tout aurait pu l'être ; rien ne l'a été. Lolita a fait une fausse couche. Elle n'a pas voulu y croire —moi non plus. La voir s'effondrer face à la nouvelle de cet enfant qu'elle ne verrait jamais naître fut sans doute l'une des pires choses que j'eus à traverser dans ma vie —à ce moment-là, du moins. Ce jour-là, notre vie a pris un tournant plus tragique que nous ne l'aurions jamais cru. Lolita parlait de ne jamais être capable d'avoir un nouvel enfant, et il lui a fallu du temps pour accepter, accepter qu'un enfant était mort avant même d'avoir pu vivre mais que, malgré cette épreuve, elle en voulait toujours un. Moi aussi. Elle est retombée enceinte. Elle était terrifiée et, si je l'étais aussi, il me fallait être fort. Si je m'étais laissé aller à mes inquiétudes, sans doute ne serait-elle à nouveau pas allée jusqu'à terme. Cette fois-ci, notre enfant est né. C'était un petit garçon, un Evoli chromatique aux grands yeux noirs et curieux. Lolita, qui a toujours adoré cette tradition dans ma famille que de donner des noms qui touchaient à la musique —c'était une artiste dans l'âme, pianiste prodige à mes yeux— me laissa choisir du nom de ce petit. Ce fut Rhapsodie. De son côté, elle décida du nom d'emprunt dont il ferait usage pour échapper aux folies des Hommes. Ce fut Flynn. Le sourire revint enfin sur les lèvres de celle que j'aimais tant, et que j'épousais quelques mois plus tard.

Même si la peur de perdre un enfant comme c'avait déjà été le cas ne nous quittait plus, notre désir de donner un petit frère ou une petite sœur à notre aîné se faisait toujours sentir. Deux ans après lui, ce furent des jumeaux qui vinrent au monde. Cette fois, Lolita, débordante d'un bonheur à l'état pur, proposa elle-même les prénoms qui seraient ceux de nos enfants : Soliste pour la fille, Solfège pour le garçon. Soliste et Solfège. Solistes, Solfège et Rhapsodie, c'avait le mérite d'être original, et ça sonnait étrangement bien. Nous ne pouvions rêver mieux mais, surtout, nous n'imaginions pas le pire qui s'abattit pourtant sur nous. La maternité fut assaillie par des humains dont nous ignorions l'origine —la tristement célèbre Team Chronos, peut-être, bien que je n'y mettrais pas ma main au feu. Ce fut la panique, on pleurait, on criait, on courait en tous sens pour sauver sa peau. Les plus braves et le personnel restaient pour se battre contre ces humains qui osaient piétiner les terres sacrées où nous régnions en maîtres. Je pris Rhapsodie dans mes bras, Lolita se chargea de Soliste, et l'une de mes sœurs, de visite aujourd'hui, se saisit de Solfège. Tous les trois, nous prîmes la fuite, sans jamais nous retourner. Mais, au milieu de la peur et de l'agitation, on perdit Solfège et sa sauveuse de vue. On ne les revit jamais et, les semaines, les mois passés, on comprit qu'ils ne reviendraient pas. Je pris moi-même la décision de cacher cet acte de naissance, celui des jumeaux, pour que jamais le secret ne soit révélé à aucun de nos deux autres enfants. Et, malgré la sœur que je venais de perdre, je me tus. C'était un poids difficile à porter : à voir Soliste, nous ne pouvions nous empêcher de penser à sa moitié évanouie dans la nature, abandonnée à on ne sait qu'elle sort. Jamais, ô grand jamais, nous n'avons su faire notre deuil ; peut-être était-il en vie, quelque part. Loin, mais vivant. C'était ce que nous souhaitions, ce que nous espérions, ce que nous imaginions. Rien qu'à penser ainsi, nous nous empêchions de vivre correctement. L'espoir que nous nourrissions ne nous permettait pas de faire le deuil qu'il nous aurait pourtant fallu faire, à cette époque-là.

Soliste, Rhapsodie's sister. — Mon frère et moi nous sommes toujours merveilleusement bien entendus... entre les disputes qui nous séparaient, pour des broutilles tels que des jouets que je lui volais fréquemment. Combien de fois ai-je été disputée par papa et maman parce que je le faisais pleurer ? Je ne sais pas, mais le chiffre doit être énorme. D'après Rhapsodie, je n'étais qu'une sale peste. Une sale peste qu'il emmenait pourtant toujours au bord de l'étang, pour que l'on s'y amuse, ou juste que l'on y parle. Il adorait cet endroit, sans doute encore plus que moi. A vrai dire, nous y étions tous les soirs après l'école. Il partait en premier, sans jamais faire des devoirs ni prendre la peine d'étudier, et moi je le rejoignais plus tard, une fois que ce que j'avais à faire pour le lendemain était fait. Rhapsodie inventait mille excuses pour ne pas être grondé et privé de sortie —il n'y aurait pas survécu, il tenait tellement à voir la nuit tomber et voir la première étoile s'allumer dans le ciel avec tout le monde. Quand l'obscurité se faisait une place dans la clairière, maman nous appelait pour le dîner. Nous mangions et, sitôt après, mon frangin demandait l'autorisation de sortir. Il trouvait refuge dans la nuit, et maman n'approuvait pas. Mon père lui, acceptait. Peut-être parce qu'il était un Phyllali, et qu'il avait toujours eu un contact très fort avec la nature. Maman elle, était un Persian, elle comprenait sans doute moins. Je me suis souvent demandé d'ailleurs si elle n'aurait pas aimé mettre au monde un petit Miaouss, plutôt que deux Evolis aux caractères si différent l'un de l'autre et du sien. Au moins, elle nous aimait, et c'était justement pour ça qu'elle n'aimait pas savoir Rhapsodie rôder seul dans la nuit. Il ne revenait pas très tard en général —même s'il passait parfois la nuit entière dehors, lorsqu'il n'y avait pas école le lendemain— mais maman n'était jamais rassurée. D'après papa, les bois de Cimetronelle étaient sûrs. Pourtant, je dois avouer que moi non plus, je n'étais pas rassurée.

Je l'étais encore moins quand il a commencé à s'éloigner de moi, après avoir rencontré quelqu'un à l'école. Ce garçon, Belt... Il accaparait totalement mon frère. A mes yeux, ce n'était rien d'autre qu'un gêneur qui m'arrachait Rhapsodie. Ses nuits, il les passait dans la forêt, ses journées, aux côtés de Belt. Il n'avait plus que très peu de temps pour moi, toujours demandé par lui et son groupe d'amis, plus âgés que lui pour la plupart. Pourquoi des grands traînaient avec des gamins ? Rhapsodie m'a dit un jour que j'étais juste jalouse qu'il ne soit plus tout le temps avec moi. J'ai nié. Mais, en vérité, je crois qu'il avait raison : j'étais bel et bien jalouse, parce qu'on me volait mon frère, mais aussi mon confident, ma victime, mon modèle, et tout ce qui faisait de lui ce qu'il était à mes yeux. Et ça, je ne le supportais vraiment pas.

Rhapsodie. — Je ne pensais pas que l'école pouvait être quelque chose d'agréable. Je veux dire, de vraiment agréable. C'était sympa, oui, drôle parfois, puis pas bien compliqué, mais les heures passées assis sur une chaise face à un bureau, occupé à apprendre l'histoire des Pokémon et les frivolités d'Arceus étaient des heures que moins passées en forêt. Et ça, ça ne me plaisait pas. Jusqu'à ce que je le rencontre. Il s'appelait Belt, c'était un Vivaldaim. Il avait deux ans de plus que moi, et venait de Cimetronelle aussi. Je ne l'avais jamais croisé avant, et rien ne semblait prédire que nous deviendrions amis. Tout résidait dans l'une de mes maladresses —ou des siennes, je ne sais pas trop. C'était un jour, à midi, pendant que je cherchais où m'asseoir pour manger. On m'avait heurté, ou j'avais heurté quelqu'un, le résultat était le même : j'ai cru me faire disputer voire frapper pour ce t-shirt et ces chaussures foutus. Mais non, le garçon en face de moi a ri, et s'est excusé. C'était fichtrement bizarre, comme scène. Il m'a demandé mon nom, j'ai répondu en bafouillant. Pour achever de rendre ce moment totalement loufoque et hors-normes, il m'a invité à manger avec lui et ses amis. C'était étrange, et pourtant je m'y suis vite habitué. Il est en quelque chose devenu mon parrain au sein de l'école, celui qui m'aidait à m'y retrouver, qui était prêt à me défendre si jamais. Il a fini par me présenter en temps que son meilleur ami. Il était devenu l'un de mes modèles, dans la vie. Ma sœur n'approuvait pas, pas du tout même, mais elle n'était que jalouse. De toute façon, il était hors de question que je me plie à ses désirs, elle qui voulait juste me voir abandonner Belt pour rester auprès d'elle. Je grandissais, et je ne me voyais pas passer tout le reste de mon temps en sa compagnie. C'était clairement ridicule. Alors, je ne l'écoutais même plus lorsqu'elle se plaignait.

A cause des cours, j'ai commencé à m'interroger un peu, sur nos ancêtres qui avaient vécu sous leur forme originelle, sur les humains —j'en côtoyais très peu— et sur les Pokéballs. Un soir, du coup, je suis resté avec mon père, assis sur le perron de la maison. Il faisait frais, l'hiver approchait et mon anniversaire aussi. J'allais bientôt avoir douze ans et, avec les années, j'apprenais à m'interroger un peu plus sur le monde qui nous entourait et qui, au fond, m'était bien inconnu. « Dis, p'pa, comment ça marche une Pokéball de nos jours ? » Je crois que je n'oublierai jamais vraiment le regard qu'il m'a lancé, et qui avait quelque chose de perturbant. « Pourquoi tu veux savoir ça ? » J'ai haussé les épaules, sans trop comprendre ce qui l'inquiétait à ce sujet. « On en parle à l'école. Paraît qu'avant on les jetait sur la tête des Pokémon. Mais maintenant, ce serait un peu ridicule, non ? » Et j'avais ri, en toute innocence, jusqu'à ce que mon père me fasse taire, d'un coup d’œil sévère. « C'est un pacte de sang. Et c'est à vie —ou presque. Ne prends surtout pas ça à la légère, Rhap. » J'ai dû l'observer avec de grands yeux pleins d'incompréhension, ou quelque chose comme ça, parce que je me souviens encore que son visage s'est fendu en un sourire, puis qu'il m'a passé la main dans les cheveux, sans doute heureux quelque part de mon ignorance. « Si jamais un jour on te propose de te lier, réfléchis bien, fiston. Je n'aimerais pas que tu aies à regretter ton choix, ce serait douloureux pour tout le monde. » J'avais haussé les épaules en me levant. « J'suis pas stupide, p'pa, tu sais ? » Et j'étais parti dans la nuit, une énième fois.

Soliste, Rhapsodie's sister. — Je me souviens de ce jour où j'ai dû revenir seule de l'école. Rhapsodie n'était pas là, alors je ne l'ai pas attendu. De toute façon, je connaissais la route par cœur, et je faisais même un bout de trajet avec deux de mes amies. Ce n'était pas comme avec mon frère, mais c'était quand même amusant. Les dernières minutes de marche, je les ai faites seule et, en approchant de la maison, j'ai entendu crier. Lorsque je suis entrée, il y avait Rhapsodie, tête basse, une poche de glace sur son bras rougi et une bosse sur le front. Il avait les lèvres pincées, et encaissait les remontrances de nos parents sans rien dire. Peu désireuse d'assister à l'affrontement, je me suis enfermée dans ma chambre, et j'ai patienté dans le silence. Quand j'ai entendu Rhapsodie rejoindre la sienne, je m'y suis glissée en catimini pour lui demander ce qu'il s'était passé. Il n'a rien voulu me dire, jusqu'à ce que je vienne appuyer sur l'énorme bleu de son bras. « Ouch, mais t'es folle, sale gosse ! » Je l'ai regardé, même pas impressionnée. « Dis-moi, dis-moi, dis-moi, Rhapsy dis-moi, teplait ! » Il avait cédé, finalement, bien obligé après tout. Ce que je voulais, je l'obtenais toujours. Il s'est allongé sur son lit, et il a commencé à jeter une balle contre le plafond, la rattrapant quand elle retombait. « Y'en a qui sont venus emmerder Belt. J'l'ai défendu. J'avais pas capté qu'ils étaient plus grands que moi. Ils ont pas aimé se prendre des coups de la part d'un gamin. Ils m'les ont rendus. Du coup l'dirlo il m'a renvoyé ici pour actes de violence ou j'sais pas quoi, puis eux aussi ils ont été virés pour la journée. Bref, p'pa et m'man sont en rogne, mais j'y peux rien si ces cons m'ont soûlé à pas lui foutre la paix. » Deux sentiments se sont mêlés en moi, opposés et pourtant liés, quelque part : jalousie et admiration. J'espérais qu'un jour il me défende de la sorte, même si je ne voulais pas qu'il soit blessé à cause de moi. Jamais.

Gentil petit joueur •
Pseudo ▬ Toujours Encrine / TwentyYon / Enaeko...
Âge/Date de naissance ▬ 27 octobre 98, 17 ans dans quelques jours. owo
Comment es-tu arrivé ici petit être ? ▬ Double-compte du grand méchant boss de Chronos. ♥
Votre activité sur le forum sur une échelle de 1 à 10 ? ▬ 10 sauf empêchement.
Ton Pokemon préféré ▬ NOCTALI SHINY PTN. Evoli et toutes les Evolitions. Shaymin. Jirachi. Ponyta. Puis pleins, en fait. Mais surtout les Evolitions. Et surtout Noctali. Et surtout shiny.
Que penses tu du forum ? ▬ ... J'le déteste, ok ? C'est pour ça que je fais un DC. uwu
As-tu bien lu le règlement ? ▬ Rohhh j'suis obligée ? C'est toujours le coup du du TVG qui mange une brioche biscopathe sur un hérisson... Quoi c'est pas ça ? Quoi c'est encore moins logique que la phrase de base ? Mais non messieurs ! D8
Bon c'est pas tout à fait ça mais je valide /PORTE/ (et je change même pas pls /zbaff/)

PS : OWEN A POSE SON DROIT DE VETO SUR MA PREZ ELLE EST TOUT A MON PETIT OREO. ♥


Dernière édition par Yûki le Dim 30 Juil - 16:05, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: it's what keeps me going ; rhapsodie   it's what keeps me going ; rhapsodie Icon_minitimeDim 30 Juil - 16:00

Histoire • Mine de rien, on était bien avant qu'la vie nous brise.

Do you feel the thorns ? Do you see the tears ?
Do you see the blood shed in this fell war ? Have you forsaken us ?

Rhapsodie. — Je n'oublierai jamais cette journée où ma vie a pris un tournant inattendu, de façon violente et on ne peut plus douloureuse. J'avais douze ans depuis à peine plus de la moitié d'une année, quand le destin a choisi de me donner un coup qui me manquerait à jamais. Le frère de Belt a disparu. Comme ça, du jour au lendemain. Le matin, il partit travailler, et le soir il ne rentra jamais. A l'école, c'était l'Enfer : tout le monde s'inquiétait, s'interrogeait, mais il fallait quand même étudier, apprendre, écouter les questions et lever le doigt pour répondre. Les professeurs tentaient de ne pas perdre la face, mais c'était forcé, c'était pesant. Partout, il y avait des avis de recherches. Belt ne venait même plus en cours, et personne ne le lui reprochait, il avait le droit d'être absent, le droit de préférer être seul et attendre le retour de son frère plutôt que de venir lire ces bouquins d'histoire qui n'avaient plus aucune importance pour lui à ce moment-là, je présume. A la maison aussi, c'était moins animé qu'avant. On vivait dans l'attente, dans la crainte, on me laissait moins sortir la nuit. Même mon père ne cédait plus. On me sommait de ne pas m'éloigner et, dés que le ciel s'assombrissait, on m'ordonnait de rentrer au couvert de la cabane. Je ne protestais même pas, je crois que moi-même j'étais terrifié à l'idée qu'il puisse arriver quelque chose. C'était l'Enfer oui, mais le pire restait à venir. 

Deux semaines. C'est le temps qu'il a fallu pour retrouver le corps du disparu qui ne reviendrait plus jamais. C'est passé sur toutes les chaînes de télévision locales ; les premières idées qui fusèrent furent bien évidemment des hypothèses d'assassinat. Le plus plausible sans doute, et l'autopsie devrait le confirmer. Autopsie. Ce simple mot, le simple fait d'imaginer le frère de mon meilleur ami condamné à ça, c'était... J'ai eu un haut-le-cœur, je crois même avoir été malade à la suite de ça. C'était purement psychologique, mais j'ai rendu tout ce que j'avais dans l'estomac, et j'ai été incapable d'avaler quoique ce soit ensuite. J'ignorais encore ce que c'était, que de voir son monde s'effondrer lorsque l'on perdait ce qui nous était le plus cher au monde. J'essayais parfois de voir Belt, mais il refusait de sortir ou de recevoir quiconque. Il ne voulait pas, il ne voulait plus, plus rien. Il sombrait. Ses parents n'en voyaient pas le bout, eux-mêmes devaient être forts pour leur fils restant alors qu'ils avaient perdu un bout de leur cœur, de leur âme, un bout d'eux en à peine quelques instants. Quelques instants qui avaient été mortels pour leur aîné.

Les rares fois où je pu voir mon ami, il me parut chaque fois plus vide, plus seul. Il disparaissait, il s'effaçait sous mes yeux et je ne pouvais rien y faire. J'essayais pourtant, je jure que j'essayais, je faisais tout ce qui était en mon pouvoir pour le faire réagir, mais rien n'y faisait. La dernière fois où il m'a souri, c'était un sourire douloureux, un sourire d'adieu à la vie. Mais je ne l'ai pas compris. « C'est... totalement con, totalement cliché hein, mais... Sois fort Belt. On t'attend nous, on est là, dehors, et on veut juste rire encore avec toi, comme... comme avant, en fait.» Ce furent mes dernières paroles, ce fut la dernière étreinte, le dernier regard. Mon après-midi, je l'ai passé dehors comme prévue, avec nos amis habituels, mué par l'espoir que, peut-être, Belt nous rejoindrait tôt ou tard, qu'il affronterait enfin le grand jour, qu'il affronterait la vie et qu'on le retrouverait. Comme avant. Comme avant. Comme avant, ça aurait pu fonctionner, ça aurait  fonctionner. Mais rien ne s'est passé comme prévu. 

Je suis rentré chez moi, le soir. Cette sortie entre amis m'avait fait un bien fou, je me sentais en meilleure forme, plus fort et prêt à encaisser tous les coups. Tous. Tous, sauf celui-ci. Quand j'ai poussé la porte de la cabane, j'ai entendu maman qui pleurait. Je me suis avancé, et je l'ai vue, assise sur le canapé, sanglotant contre mon père, qui la serrait contre lui comme jamais il ne semblait l'avoir fait. « M'man ?» Les regards se sont levés vers moi, et j'ai lu dans leur yeux toute la souffrance du monde, mêlé à un million de pardons que je n'ai pas saisis. Je ne comprenais pas. Maman s'est levée d'un bond et est venue me prendre dans ses bras, elle me caressait les cheveux en s'excusant au milieu de ses larmes. Ses mains étaient mouillées, elle avait dû s'essuyer les joues juste avant, pourtant elles étaient toujours inondées. « M'man ça va pas ? » Elle n'a jamais ouvert la bouche autrement que pour s'excuser. Alors, j'ai cherché la réponse dans les yeux de mon père. Il lui a fallu du temps. Il me l'a finalement donnée. Je n'ai pas voulu y croire. Je ne pouvais pas y croire. Je suis parti m'enfermer dans ma chambre en leur hurlant qu'ils étaient des menteurs. Je savais qu'ils disaient vrai, pourtant. Mais c'était impossible. Avant de claquer la porte dans mon dos, j'ai entendu mon père qui retenait ma mère pour qu'elle ne vienne pas me voir. J'avais besoin d'être seul.

Belt s'était suicidé.
Juste après mon départ.
D'une balle dans le crâne. 

Soliste, Rhapsodie's sister. — J'avais passé la journée chez une amie, à la sortie de Cimetronelle, inconsciente du drame qui se jouait, pas si loin d'ici, et qui allait brusquer notre vie de famille et tout ce qui suivrait. Quand je suis rentrée, un silence pesant régnait dans la maison. Mes parents étaient assis à la table de la cuisine, maman avait les yeux rouges et gonflés, l'air fatigué. Mon père aussi avait l'air épuisé. Il tenait les mains de maman dans les siennes, et les caressait du pouce, comme impuissant à faire quoique ce soit d'autre. C'était si étrange... Je me suis avancée vers eux, dans l'incompréhension la plus totale. « Il se passe quoi ? » On m'a regardée sans vraiment me voir, sans me répondre. « Il est où Rhap ? » Dans sa chambre, on m'a dit. J'ai fait un geste pour sortir, on m'a retenue. Et puis, la sentence est tombée. Belt est parti, lui aussi. Je suis sortie, et je suis entrée dans la chambre de mon frère, sans m'annoncer.

Rhapsodie pleurait. Ce n'était pas comme lorsqu'il pleurait, plus petit, pour un jouet ou des pokéblocs que je lui volais. C'étaient de vraies larmes, de celles qui fendent le cœur, déchirent l'âme et ne tarissent que lorsque l'on s'épuise d'avoir trop pleuré. Il sanglotait, et moi j'avais mal. Mal de le voir effondré, anéanti. J'étais trop jeune pour comprendre à l'époque, j'ai mis du temps à réaliser mais, aujourd'hui, je sais pourquoi Rhapsodie a pleuré toute cette nuit et les suivantes, pourquoi il ne mangeait plus, pourquoi il sortait encore plus souvent la nuit qu'autrefois. Dans mon incompréhension la plus totale, j'ai cru le perdre, et je ne trouvais pas de raison à cette sensation des plus glaçantes qu'était celle de perdre la prunelle de ses yeux, son modèle, celui pour qui l'on donnerait sa vie. Il venait de perdre tout ça, et j'étais incapable de l'aider, de faire quoique ce soit pour apaiser les fusils qui prenaient son cœur pour cible. Plus que jamais, j'ai eu mal pour lui.

A l'école, nous avons accordé une minute de silence en l'hommage de Belt, une seule minute au milieu de ces heures bien sombres. Nous avons aussi fabriqué une sorte d'autel. C'était une table en face de son casier, nappée et décorée de fleurs, de bougies et de présents divers et variés, souvent faits mains. Au milieu de cet amoncellement étrange trônait une photo, une seule : un doux visage surmonté d'une tignasse verte. Sur ce cliché, Belt souriait à l'objectif, insouciant du drame qui se jouerait d'ici peu dans sa vie. Cet autel... Cet autel, c'était tellement peu, tellement rien face à la douleur. Même si je ne l'avais jamais côtoyé, sa perte provoquait un vide. Les couloirs étaient trop calmes, les cours l'étaient tout autant, on ne courait plus, les rires sonnaient faux. Tout paraissait totalement décalé, pas normal, pas raccord. Même la sonnerie annonçant la fin des cours avait l'air des plus indécentes à la suite d'un tel événement. Rien n'était suffisant pour que les nuages qui venaient d'assombrir notre ciel ne s'écartent pour laisser à nouveau place au soleil. Qu'importe ce que nous en disions, une partie de nous tous s'était éteinte à la mort de Belt, et plus rien ne rallumerait jamais la flamme, disparue aux profits de l'obscurité la plus profonde.

Rhapsodie. — Les semaines ont passées, les mois ont passés, tout a passé, et moi je suis resté. Je suis resté seul face au vide, seul dans l'ombre qui m'étouffait. La journée, je restais dans ma chambre, volets fermés, lumière éteinte ; la nuit, je sortais, qu'importent les interdictions, et je me laissais aller à mes sanglots dans le calme suffocant de la nuit. Je ne suis jamais retourné à l'école après que Belt m'ait été arraché. Quel intérêt ? Je ne voulais pas lire la pitié dans les yeux des gens, pas entendre leurs excuses, ni leurs condoléances, je ne voulais pas de leurs étreintes et de leurs mots fades et sans aucun sens, ceux que l'on répète mille fois depuis des millénaires, tellement qu'ils ont perdu toute texture, toute consistance. Ils ne veulent plus rien dire. Et aucune parole n'était de toute façon suffisante pour apaiser mon cœur blessé. J'étais égoïste sans doute, mais je n'ai même pas voulu assister aux obsèques de Belt. Je n'ai jamais voulu me dire qu'il m'avait abandonné, même si l'on m'a gravé cette réalité dans l'esprit à force de temps et de cris blessants. Plus rien n'avait d'intérêt. Je m'en foutais, je me foutais de tout. Alors j'oubliais, et je m'offrais à la nuit. Je m'offrais aux dangers, aussi. Mais ça, je ne le savais pas, avant cette nuit-là, cette nuit qui aurait pu être celle de trop. 

J'étais allongé sur la branche d'un arbre, celui sur lequel j'avais pris l'habitude de me réfugier la nuit, loin de tout et de tout le monde, lorsque des bruits de pas qui se voulaient discrets me sont parvenus. Ils étaient trop lourds pour être ceux de femmes ou d'enfants, c'étaient des hommes, au moins pour la plupart. Ils sont passés juste en dessous de moi, tout un petit attroupement, guidé par un grand blond inconnu qui semblait les mener par le bout du nez, et un autre type aux cheveux encore plus clairs que moi à ce moment-là, alors que je n'étais encore qu'un faible petit Evoli. Je me suis penché pour les observer malgré les feuilles qui me bouchaient la vue, mais j'ai failli tomber, et la branche s'est agitée, suffisamment pour que le groupe lève les yeux et m'aperçoive. A cet instant précis, j'ai compris qu'ils n'étaient pas venus pour se faire des amis, qu'ils n'étaient pas perdus non plus. Ils ont lancé leurs Pokémons sur moi sans attendre, et j'ai paniqué, tout comme j'ai été dégoûté en lisant leurs excuses dans leurs yeux à eux, aux hybrides. Ils ne voulaient pas me faire du mal, pas me condamner ; mais c'étaient leurs maîtres. Pourquoi ne refusaient-ils pas ? On ne m'avait pas appris, ni à l'école ni nulle part ailleurs, jamais. Je suis tombé sous leurs assauts, ils m'ont blessé parce que les humains le voulaient, mais pas trop parce qu'eux ne voulaient pas. L'un d'entre eux m'a dit de fuir, c'était juste un murmure des plus faibles qui soient, tant que j'ai cru l'avoir rêvé, mais le regard que m'a lancé le Pokémon m'a assuré que mon imagination ne me jouait pas de tours. La peur, le dégoût, et mille excuses brillaient dans leurs yeux ; je me souviens du visage de certains, du regard fou de celui à qui l'on semblait avoir tout arraché, y compris la vie. Je refusais de finir comme eux, de finir comme lui.

J'ai voulu fuir, mais c'est un humain qui m'a arrêté. C'était ce type aux cheveux blancs, aux yeux d'améthyste ; j'ai senti mon sang se glacer dans mes veines : il était dangereux. Il suffisait de le voir pour le comprendre. Le blond au regard sanguin lui a soufflé quelque chose à l'oreille, l'autre a acquiescé, et puis c'est à moi qu'il s'en est pris. On a à nouveau lancé les hybrides contre moi, je me suis débattu comme un beau diable pour leur échapper. J'ai réussi à m'en débarrasser mais, sitôt après, j'ai dû affronter l'homme dangereux qui, apparemment, me voulait —pour lui ? Sans doute pas, au vu du regard insistant de celui qui semblait diriger toute la troupe. Je ne me suis jamais autant épuisé à combattre que ce jour ; en fait je ne m'étais jamais vraiment battu pour ma vie, avant. Mes mouvements étaient maladroits, irréfléchis, je n'écoutais que mon instinct de survie et mon désir de liberté pour ne pas être pris ; la pluie s'était mise à tomber et rendait le sol affreusement glissant. Et puis, d'un coup, une douleur étrange et violente m'a traversé. Je me suis effondré au sol, sous le choc de cette chaleur qui se diffusait dans mon corps. Ça n'a duré qu'un instant, mais je me suis senti différent. Plus grand, plus fort et, devant mes yeux, il y avait des mèches sombres qui s'agitaient. Je n'ai pas compris tout de suite ; j'ai d'abord profité de la surprise générale pour me relever et fuir, fuir au plus vite et sans me retourner. Dans mon dos, j'ai entendu une voix dire « Je le veux à Chronos ». Je n'ai pas voulu savoir, pas voulu comprendre. J'ai couru, le souffle court, jusque chez moi. Et jamais, ô grand jamais, je n'ai parlé de cette mésaventure.

Crescendo, Rhapsodie's father. — Un matin, comme tous les autres, je suis entré dans la chambre de mon fils afin de m'assurer qu'il était bien de retour et ne vagabondait pas encore dehors. J'ai été surpris de voir non plus des cheveux blonds, mais aussi noirs que l'ébène dépasser des couvertures. Il s'agissait là de l'âge auquel j'avais moi aussi évolué, alors ça ne m'a pas vraiment surpris. Pourtant, je dois avouer que je ne m'attendais pas à découvrir un Noctali, ce matin-là. C'était pourtant évident, Rhapsodie a toujours eu une affinité particulière avec la nuit, il s'y sentait bien, c'était son élément. C'était juste perturbant les premiers jours, de croiser ses yeux d'océan plutôt que d'abysses, et de le voir plus grand qu'avant. Nous nous y sommes rapidement habitués, même si Soliste avait des tendances jalouses à son égard. Tout allait pour le mieux à ce moment-là, Lolita et moi en venions même à penser que Rhapsodie allait de mieux en mieux, qu'il se remettait lentement de la mort de Belt. S'il avait su trouver une sorte de catharsis dans ses évasions nocturnes, alors nous n'avions pas le droit de l'en priver, quand bien même les blessures avec lesquelles il était revenu le lendemain de son évolution avaient eu de quoi nous inquiéter. Mais il s'est justifié en disant qu'il avait croisé un autre Pokémon qui l'avait attaqué pendant qu'il somnolait, et qu'il s'était défendu, que l'autre était plus fort mais qu'il avait su lui donner des coups en retour. J'ai songé que je devrais peut-être lui apprendre à se battre, pour qu'il ne soit pas trop désarmé face à d'autres. Le monde extérieur n'était que rarement un sol de paix et d'amour, et nous ne serions pas toujours là pour veiller sur lui.

Rhapsodie. — Cette nuit, il paraît que j'ai évolué. Je ne sais pas comment, je ne sais pas pourquoi, mais j'ai évolué. Dans le miroir ce matin-là, je ne me suis pas reconnu. Mon reflet avait le visage pâle et encadré de cheveux sombres, encore emmêlés de l'agitation passée ainsi que de la pluie. Mon double me fixait, de deux yeux d'un bleu magnifique, bien trop différents des prunelles dont on ne distinguait même pas l'iris de la pupille que j'arborais encore la veille. Mon regard brillait de fièvre. Il paraît que ce n'est pas rare d'évoluer aux alentours de treize ans, mon père m'a avoué avoir subi son changement au même âge que moi. C'était donc un phénomène normal. Mais moi, dans ma tête, je me sentais étrange. Il paraît aussi que je suis tombé malade —d'où la fièvre, et la faute à la pluie. Je crois. Au réveil, mon crâne était douloureux, ma bouche pâteuse, je frissonnais, je mourrais de chaud et en même temps je tremblais comme jamais. J'ai quand même voulu faire comme si de rien était, je suis allé dans la salle de bains dans l'espoir de prendre une douche. C'est là que j'ai vu mon reflet. C'est là, aussi, que le verre qui me servait à me rincer la bouche m'a glissé d'entre les doigts tant je tremblais. Je me souviens l'avoir vu tomber, comme au ralentit, et l'avoir vu s'exploser sur le carrelage du sol. La seconde d'après, maman est entrée dans la salle de bains, alertée par le bruit sans doute. « Rhapsodie ? » J'ai relevé les yeux vers elle, comme absent. Aussitôt, elle a compris que quelque chose clochait, et elle a posé sa main fraîche sur mon front. Je me souviens avoir songé que c'était l'une des meilleures choses au monde. Si c'avait été possible, j'aurais voulu qu'elle ne retire jamais sa main.

Elle m'a renvoyé dans ma chambre, illico, un air agacé au visage mais les yeux emplis de tendresse. « On n'a pas idée de sortir les soirs de pluie. » Le reproche m'avait presque amusé, elle savait qu'elle ne pouvait pas m'en empêcher, qu'importe le temps qu'il faisait dehors. Je tenais bien trop à mes aventures nocturnes pour y renoncer par la faute de quelques gouttes de pluie. Maman m'a apporté mon petit déjeuner sur un plateau —accompagné de toute la panoplie médicale trouvable dans la maison. J'étais donc alité, et interdit de la moindre sortie avant d'être parfaitement rétabli. L'idée ne me plaisait pas et, étant donné l'état dans lequel j'étais à ce moment-là, je n'en voyais pas le bout. Mais j'ai été forcé d'obtempérer, de crainte de ce qu'il pourrait m'arriver si je tentais de la contredire ; Arceus seul sait ce dont ma mère est capable afin d'être sûre et certaine que je lui obéisse. Je suis donc resté au lit, parce que je n'avais pas d'autre choix que celui-ci. On s'est occupé de moi, on a pris soin de ne pas faire trop de bruit pour ne pas me déranger dans mes phases de sommeil fiévreuses. Je comatais plus que je ne dormais, et je crois que j'aurais voulu la maison moins calme. Dans le silence, je revoyais ce type aux yeux d'améthyste, et j'étais terrifié.

Chronos. Je ne savais pas vraiment de quoi il s'agissait, en vérité. J'avais appris à l'école —du temps où j'y allais encore— qu'ils étaient nos ennemis, qu'il fallait les éviter à tout prix pour demeurer libres et heureux. En me souvenant de ces hybrides forcés d'agir contre leur gré, je comprenais aisément ce que signifiaient ces mises en garde. Mais pourquoi m'avoir attaqué, alors que je n'avais rien fait ? Le cas de cette organisation était-il si grave pour qu'ils osent s'en prendre à un gosse d'à peine treize ans ? Je ne comprenais pas. Alors, j'ai profité d'une après-midi où ma famille était absente —et moi en phase de guérison— pour tenter de trouver des réponses à cette question. J'ai cherché dans les armoires, dans les placards, dans les tiroirs, la moindre preuve, la moindre information qui pourrait justifier l'attaque et le « je le veux à Chronos » que j'ai entendu avant de fuir. J'ai cherché pendant des heures et puis, d'un coup, j'ai trouvé quelque chose. Mais pas ce que je cherchais. Ce sont des papiers étranges qui se sont retrouvés entre mes mains, légèrement jaunis par le temps, un peu froissés, comme s'ils avaient été placés là dans la précipitation. C'était des actes de naissance ; pas le mien dans le lot. Celui de ma sœur. Et un autre. Un autre nom. Solfège. Les dates étaient les mêmes que celles présentes sous le nom de Soliste. Quelque chose me perturbait, quelque chose clochait ; je ne parvenais pas à assembler les pièces du puzzle parce qu'il m'en manquait. Je me suis demandé si le vide perpétuel qui semblait régner dans la maison venait de là, de cet être qui n'était pas là où il aurait dû être : à nos côtés. Pourquoi n'était-il pas là, s'il était... mon... frère ? Combien de secrets mes parents avaient-ils à cacher ? J'ai pensé que c'était peut-être cet enfant mort avant même d'être né. Mais pourquoi un acte de naissance dans ce cas ? Et puis, papa m'avait dit que c'était un an avant moi, pas deux après. Rien ne correspondait. Alors quoi ? C'est avec une étrange boule dans l'estomac et un affreux goût de trahison dans la bouche que j'ai tout refermé. Et puis, le silence dans l'âme, je suis retourné m'enfermer dans ma chambre. Jamais, ô grand jamais, je n'en ai parlé ; ce secret s'est enfoui aussi profondément dans mon cœur que celui concernant la nuit de mon évolution.

Ce soir-là, je n'ai pas su trouver le sommeil. La fièvre était revenue —un peu— et Morphée s'obstinait à ne pas vouloir de moi. L'orage grondait, les éclairs illuminaient ma chambre, comme en plein jour. J'avais terriblement chaud, et je n'étais pas vraiment fatigué —si, quand même, mais ce n'était qu'à cause de cette foutue crève. J'ai fini par repousser les draps, et je suis sorti pour m'installer à la fenêtre du salon. Je réfléchissais sûrement aux découvertes que j'avais faites dans la journée, et à toutes les questions qu'elles avaient soulevées dans mon esprit. Je me torturais mentalement, parce que c'était plus facile de garder le silence et de faire mille hypothèses dans ma caboche plutôt que d'aller interroger mes parents directement. Je n'ai remarqué la présence de Soliste dans mon dos que lorsqu'elle a parlé, à voix basse mais suffisamment audible pour que j'ai sursauté. « J'ai peur de l'orage, Rhap.» Je me suis tourné vers elle. Elle avait le regard fatigué, souligné par des cernes profondes. « Viens par là. » Elle s'est approchée, et je l'ai prise dans mes bras. J'ai posé ma tête sur son crâne après y avoir déposé un baiser qui se voulait rassurant, et puis nous avons admiré le vent, la pluie et les éclairs, par delà la vitre. Je me souviens m'être dit qu'elle n'avait jamais eu peur de l'orage avant ce jour. Je crois qu'elle voulait juste garder un œil sur moi, ne pas me laisser trop seul. Je crois qu'en fait, elle avait juste peur que je m'effondre. Peur de me perdre, comme j'avais perdu Belt. Ce soir-là, nous avons dormi ensemble, dans mon lit, elle dans mes bras et accrochée à mon t-shirt comme si c'était tout ce qu'il lui restait, comme si sa vie en dépendait. J'ai réalisé que l'entendre respirer près de moi était ce qui m'était le plus cher ; Soliste était ce que j'avais de plus précieux au monde.

What if I just tried not to remember, would it matter at all ?
All the chances that have passed me by, would it matter if I gave it one more try ?

Lolita Quins, Rhapsodie's mother. — Rhapsodie et Soliste ont disparu, un jour. Ils sont sortis, comme tous les soirs, pendant que la nuit tombait. Ils ne sont pas rentrés. J'ai paniqué, mais Crescendo était confiant. Il croyait en nos enfants et à la sécurité des bois de Cimetronelle, même alors que le froid était mordant. Moi pas. Je n'ai pas cessé de m'inquiéter. Les heures ont passées, et ils ne sont pas rentrés. Rongée par un terrible pressentiment, j'ai fait les cent pas, j'ai pleuré. Crescendo m'a entraînée dehors, dans le froid de la nuit hivernale, et nous avons hurlé leur nom, avec l'espoir fou de les voir débouler, d'un instant à l'autre, riant et chahutant, puis s'excusant de n'avoir pas fait attention à la nuit qui tombait et envahissait toute la forêt. Ça n'a pas eu lieu, la clairière et les alentours demeuraient obstinément vides. Alors, Crescendo a réagi : il m'a dit de rester à la maison, pendant que lui courrait au poste de police le plus proche. Au bord du gouffre, je l'ai laissé faire, je suis restée. J'entendais des bruits ; à chaque fois j'espérais le retour de mes petits, ce n'était jamais que le vent qui heurtait le bois des murs. Crescendo est revenu, bredouille. J'ai espéré, espéré, espéré encore que la police nous les ramène, sains et saufs, au cours de la nuit. Je ne savais pas encore que l'un de nos enfants ne reviendrait jamais.

Soliste, Rhapsodie's sister. — Il paraît que nous étions au mauvais endroit au mauvais moment, là où l'on n'aurait pas dû être, là où l'on n'aurait pas été si je n'avais pas été si curieuse de voir ce qu'il y avait au bout de ce chemin inconnu. A un moment donné, Rhapsodie a entendu du bruit, il m'a demandé de me taire et de grimper dans l'arbre le plus proche. Lui-même n'en a pas eu le temps, on l'a repéré avant qu'il n'ait pu monter. Alors, il s'est éloigné de l'arbre, éloigné de moi. J'ai compris que c'était pour me préserver, pour que l'on ne me voie pas. Mais lui était vu et, pour moi, c'était le pire qui puisse arriver. Il n'a pas bougé pourtant, alors que ses ennemis arrivaient, l'entouraient, le privaient d'issue. Il y avait des humains, mais aussi des hybrides ; certains avaient une lueur folle dans les yeux, semblaient voir le monde dans un immense trouble. J'ai frissonné en comprenant qu'ils étaient drogués. C'était ce que l'on nous apprenait à l'école : refuser les Pokéblocs d'inconnus, car certains n'étaient rien d'autres que d'affreuses drogues qui nous rendaient dociles et inaptes à nous rebeller comme on le voudrait. Ils se sont tous jetés sur mon frère, une seconde après un ordre qui leur a été donné. J'ai dû me faire violence pour retenir mon cri de terreur. Il se débattait comme un beau diable, sans jamais vouloir blesser les Pokémons qui, étrangement, semblaient l'épargner tout autant qu'ils le pouvaient, eux aussi.

Il y a un humain qui s'est jeté dans la mêlé à son tour, j'ai vu l'éclat d'une lame briller sous le reflet de la lune entre ses doigts. Cette fois, je n'ai pas su me taire, j'ai hurlé : « Rhap attention ! » Le reste s'est passé tellement vite... Un autre hybride s'est décalé et a reçu le coup —volontairement ? Le sang qui coulait de son épaule est tombé sur le visage de mon frère qui, lui, était livide, immobile, cloué au sol et sans doute choqué de ce qu'il venait de se passer devant lui. J'ai sauté de la branche et, au même moment, j'ai entendu un cliquetis, suivi du cri de Rhapsodie. Il s'était dégagé et courait vers moi. J'ai été frappée de plein fouet, et la violence de l'étreinte nous a tous les deux projetés au sol. Dans ma chute, j'ai senti un souffle chaud sur ma joue. La seconde d'après, une partie du tronc de l'arbre volait en éclats, et les morceaux de l'écorce venaient s'accrocher dans nos cheveux et sur nos vêtements, certaines échardes nous écorchaient la peau. Je ne l'ai vu qu'à ce moment là, en relevant la tête : le canon d'un pistolet, braqué sur nous. J'ai hoqueté sous la terreur. J'ai fermé les yeux, et Rhapsodie m'a serrée un peu plus fort contre lui, si près qu'il ne m'a pas fallu longtemps pour comprendre qu'il comptait me protéger, encaisser à ma place si ça me permettait de vivre un peu plus longtemps. J'ai rouvert les yeux, et ma main est venue essuyer le sang sur sa joue. Il m'a regardée, m'a souri, et j'ai lu dans ses yeux tout l'amour du monde. C'était comme s'il s'excusait de m'avoir mise de côté pour Belt pendant si longtemps, comme s'il s'excusait de m'avoir tant blessée. Je crois qu'il était persuadé que notre dernière heure était venue. 

Il y a eu un nouveau cliquetis, signe que le tireur était prêt à commettre son méfait. J'ai tremblé, j'ai cessé de respirer, et me suis accrochée à Rhapsodie comme jamais auparavant. Il serait le premier à mourir. Je ne voulais pas. Personne n'a tiré, Rhapsodie s'est agité sous la surprise. Une main venait de se poser sur le bras du type armé. « Attends, c'est pas celui dont parlait le boss ? Il y ressemble. » Les regards se sont posés sur mon frère, celui qui aurait pu nous tuer a baissé le bras et a ricané. C'était un rire à glacer le sang. « Si c'est lui, je le plains presque. Il a réussi à se mettre le lieutenant Sky à dos en une seule rencontre. Pauv' gosse. » Le tout avec un sarcasme immonde. Et puis, le regard de l'homme s'est durci, a perdu cet éclat moqueur qu'il affichait auparavant. « On l'embarque. » Ils se sont avancés vers nous, et j'ai geins, terrifiée. « Euh... On en fait quoi, de la gosse ? » Rhapsodie a grondé et, à cet instant, il ressemblait plus à une bête sauvage qu'autre chose. Même moi, il m'a effrayée avec ce grognement menaçant venu d'on ne sait où. « On la prend aussi, deux pour le prix d'un, les supérieurs ne diront pas non, si ça s'trouve on aura une promotion. » Rhapsodie a de nouveau grogné, il m'a serrée, et puis le reste a été on ne peut plus rapide : une seconde d'inattention, et nous étions plongés dans le noir.

Quand j'ai ouvert les yeux, il y avait sous moi un sol froid et sale, qui vibrait et s'agitait, tanguait d'un côté puis de l'autre. Ma vue était trouble, un bourdonnement résonnait à mes oreilles, insupportable et assourdissant. Il m'a fallu du temps pour comprendre que j'étais allongée dans un fourgon. Il faisait nuit. Ça puait la peur, la haine, et l'urine aussi. Il faisait terriblement froid, un nuage de buée s'échappait d'entre mes lèvres à chaque souffle, mes doigts étaient douloureux tant ils étaient glacés. Il y avait des silhouettes autour de moi, assises, prostrées dans les coins. Cinq formes recroquevillées dans l'ombre. En plus de celle de mon frère, étendu à mes côtés. Je me suis redressée, difficilement et, en venant le secouer, je me suis rendue compte que mes mains étaient attachées, liées entre elles par des cordes qui m'entamaient les poignets. « R-Rhap... Rhapsodie réveille-toi ! Je... J'ai peur ! » A force de le secouer, je l'ai vu s'agiter et cligner des yeux, aussi perdu que je l'étais moi-même. « Soli... On est où ? » Il a grommelé en se redressant, le nez froncé. « Puis pourquoi ça pue la pisse, sérieux ? » Une larme a roulé sur ma joue, et il s'est radouci, en venant l'essuyer du bout des doigts malgré ses mains prisonnières à lui aussi. « Pleure pas... Ça va aller. » Je me suis blottie contre lui, et j'ai attendu que ça passe, attendu de me réveiller de ce cauchemar. Mais je ne me suis pas réveillée, du moins pas dans mon lit, pas comme je l'aurais voulu.

C'est Rhap qui m'a tirée du sommeil quand la porte arrière du fourgon s'ouvrait. On —des humains— nous a fait sortir, de force pour ceux qui ne voulaient pas. Nous avons quitté l'obscurité étouffante de l'habitacle contre une nuit paisible éclairée par une demi-lune, glaciale et effrayante. Devant nous, un immense portail, ouvert pour nous laisser entrer, et puis un bâtiment, imposant et terriblement lugubre vu d'en bas. Nous n'avions pas confiance, nous étions nous tendus, et pourtant nous avancions docilement... pendant quelques pas. Jusqu'à ce que Rhapsodie en ait assez de se plier aux volontés d'êtres qu'il ne connaissait pas. En une seconde, il s'est complètement abandonné à la rage, à son instinct de survie ; il s'est déchaîné. Je n'ai pas compris ce qu'il se passait. Il s'en est pris au plus proche de lui, lui a enfoncé ses crocs dans le bras comme un animal. Il y a eu un cri, et puis mon frère a roulé plus loin, sous la violence du coup qu'un hybride à la botte des hommes venait de lui porter. Cette fois, il n'a pas hésité à user d'Onde Folie sur tous ceux qui s'avisaient de l'approcher. Les autres hybrides aussi ont commencé à se rebeller, mués sans doute par l'espoir de pouvoir s'échapper —si un gosse de quatorze ans faisait preuve de suffisamment de détermination pour miser sa vie sur la liberté, ils ne pouvaient pas rester là sans rien faire, forcément. 

Il y a eu du sang, beaucoup de sang, des silhouettes se sont écroulées dans la confusion, égorgées, déchiquetées dans des marres de carmin, qui paraissaient d'encre dans la nuit. Et puis, j'ai senti des mains se poser sur mes yeux, effacer ce massacre à ma vue. J'ai reconnu Rhapsodie. Sa voix a résonné à mon oreille, tout doucement. « Ne regarde pas. » Il m'a forcée à tourner le dos au champ de bataille, puis ses mains se sont retirées. Les miennes ont été libérées —il a tranché les liens avec un poignard, sûrement volé à l'un des hommes. J'ai deviné une tache sombre qui s'étendait peu à peu le long de son bras. J'ai pâli. « T-Tu... Rhap, tu... t'es... blessé ? » Il a posé une main là où s'étirait la plaie, profonde sans doute, à voir le sang qui goûtait, trop incessamment pour que ce soit bénin. « C'est rien. » Je me souviens de l'angoisse qui me serrait le cœur. « Arrête, ça pisse le sa- » Il m'a pris la main, et m'a entraînée à sa suite sans me laisser le temps de terminer. Dans mon dos, j'ai entendu le son d'une course effrénée. Nous étions poursuivis. Alors nous courrions, nous courrions sans nous arrêter, pour notre vie, pour notre liberté. Ma main a glissé de la sienne, mais je ne me suis pas arrêtée ; lui non plus. Il était plus agile que moi, plus habitué aussi, sans doute. Il n'était qu'à quelques mètres devant moi, mais j'ai cru que l'infini nous séparait. En un virage, il s'est effacé dans l'obscurité, inconscient du drame qui se jouerait dans son dos, une seconde plus tard : j'ai trébuché, légèrement ralenti, et une main m'a saisi le bras, une autre m'a empêchée de crier en se posant sur ma bouche. J'ai mordu, fort, j'ai pu hurler le nom de mon frère. Le noir a tout envahi, et je n'ai plus rien vu.

Rhapsodie. — Elle a hurlé mon nom, et puis ce fut le silence complet. Je me suis arrêté en haletant, et j'ai regardé tout autour de moi : j'ignorais complètement où j'étais. Et Soliste n'était pas à mes côtés. Je suis resté planté là, longtemps, avec les oreilles bourdonnantes, de la sueur sur le front, du sang qui coulait le long de mon bras et imprégnait le sol à un rythme régulier. Elle avait raison, ça pissait le sang. Et elle n'arrivait toujours pas. J'ai hésité, tergiversé ; revenir en arrière ? C'était risquer d'être attrapé. Mais, sans elle, ça ne valait plus la peine de fuir. Alors, j'ai fait demi-tour, et j'ai avancé dans l'ombre, lentement, avec précautions. J'avais mal, mal au crâne, mal au bras, mal aux jambes, j'avais mal au cœur, des nausées et l'envie d'oublier, de m'allonger, de fermer les yeux et d'attendre que le temps passe, que tout passe. Mais rien ne passait jamais. Surtout pas l'angoisse qui montait au fur et à mesure que je revenais sur nos pas, sans jamais retrouver la moindre trace de ma sœur. Je me suis retrouvé seul, seul face au vide, face à mon erreur, face à la culpabilité qui avait plongé ses crocs dans ma gorge, sans pitié aucune. J'ai marché, j'ai erré, j'ai avancé dans les quartiers reculés de Janusia. La capitale, ville qui ne dort jamais et qui, même en pleine nuit, est illuminée de mille feux. Je n'étais jamais vraiment dans l'obscurité. Même les faisceaux des lampadaires m'oppressaient, me faisaient me sentir observé, épié dans l'ombre, moqué par les ombres tapies à chaque coin de rue. Je me suis mis à courir, comme un dératé, la peur au ventre. Et je me suis arrêté, tout aussi soudainement, perdu dans cette ville inconnue. J'ai tourné en rond, tourné, tourné, j'ai vu des portes, des murs, des poubelles, des boutiques fermées, des sans-domicile et du vide. Du vide et du silence. J'étais seul. Soliste n'était pas là. Quand je l'ai réalisé, je me suis figé. J'ai vacillé, et j'ai dû me retenir à un mur. Je me suis assis sur le sol. J'avais terriblement froid, et je sentais à peine mon bras blessé. Le sang avait au moins cessé de couler. A croire que mon cœur ne battait plus suffisamment pour que mon corps se vide de vie ; à croire que je n'étais plus assez vivant pour que la mort puisse m'arracher d'ici. J'avais perdu ma sœur. Et c'était de ma seule et unique faute.

Je ne sais pas combien de temps j'ai passé à Janusia et dans ses environs. Des heures ou des jours, peut-être. Je ne sais pas combien de fois le soleil s'est couché, combien de fois la lune s'est levée, et combien de fois on m'a regardé de travers, moi, gosse à l'air fatigué, aux fringues ensanglantées et à l'air hagard. Je me suis vu dans la vitre d'une pâtisserie, j'avais l'air plus âgé que je ne l'étais, épuisé et dépassé. Je n'étais plus vraiment moi. Mon propre reflet m'a effrayé, m'a dégoûté. Je l'aurais brisé si j'avais pu, j'aurais brisé cette vitre en mille éclats si j'en avais eu la force et le courage, mais il n'y avait plus rien. Rien d'autre qu'une douleur sourde, qui cognait à mes tempes, à mes tympans, qui cognait dans mon bras endolori. Je pouvais à peine le bouger. J'ai eu peur qu'il s'infecte. Il l'était peut-être déjà, en fait. Je n'ai jamais voulu mettre les pieds dans un centre Pokémon. Surtout pas à Janusia. On m'observait, on me jugeait. Partout. C'était terrifiant en vérité. J'étais entouré de tant de monde, mais ça ne me détachait pas de ma solitude. Tout le monde était là, mais personne ne l'était pour moi. Je marchais dans les rues, comme un spectre, en essayant d'oublier que je n'étais pas chez moi, pas à ma place, que je n'étais pas fait pour être là où j'étais à ce moment là, que j'aurais dû être aux côtés de ma sœur plutôt que loin d'elle, en bon lâche que j'étais. Ça me bouffait. Ça me bouffait et je ne sentais plus rien d'autre que cet ouragan de néant qui me rongeait de l'intérieur. Ça m'entamait, comme une lame tranchante sur la peau, comme de l'acide brûlant dans les chairs ; ça faisait de moi une coquille vide et mutilée. Je n'étais plus grand chose en vérité. Rien que ça, rien que plus rien.

Est venu le moment où l'on m'a rattrapé. Je n'ai pas compris, je me suis débattu jusqu'à ce que l'on me saisisse les deux poignets, que l'on me saisisse par les épaules aussi. J'aurais pu frapper, donner des coups de pieds, de tête, attaquer, mais j'ai fait face à un regard inquiet et bienveillant. Je me suis détendu, et je me suis effondré contre l'homme en face de moi. Mes jambes ont cessé de me soutenir, et je crois que j'ai perdu connaissance. Quand j'ai ouvert les yeux, j'avais retrouvé la chaleur de mes draps, le calme de ma chambre, la familiarité des bruits de la maison. Je devinais maman qui s'affairait à la cuisine, et la télévision du salon était allumé, mon père la regardait peut-être, ou alors il la laissait juste en bruit de fond. De toute façon, on ne s'intéressait presque jamais aux programmes qu'elle diffusait pourtant en continu. Je me suis tourné dans mon lit, et mon bras m'a lancé. J'ai gémi, et puis je me suis caché sous les couvertures, comme si ça pouvait effacer la douleur, cette sensation affreuse que mon bras allait s'arracher. Dans le brouillard, j'ai quand même osé regarder les dégâts. Mais on ne voyait plus rien, ma peau n'était plus tâchée de sang, et la blessure était camouflée sous un bandage blanc, propre, parfaitement réalisé. Par les mains de maman, ou celles d'un connaisseur. On avait fait venir un médecin à la maison, sans doute. J'ai replongé dans le sommeil. 

Et je me suis retrouvé dans la forêt, au milieu d'un massacre sans nom, entouré de cris et de pleurs. Il y avait ma sœur, là, à quelques pas de moi ; je me suis élancé vers elle mais, à chaque fois que j'approchais d'elle, elle semblait s'éloigner, s'effacer, disparaître. Plus je courais et plus j'avais froid, j'ai trébuché, j'haletais. « So-Soli... Soli... Soli ! » Il y a un sanglot qui est monté dans ma gorge, ma voix s'est brisée. J'avais mal, affreusement mal à la poitrine, le froid me brûlait la gorge, les poumons. Je n'étais pas couvert, ça me brûlait la peau aussi. Et les yeux. J'ai entendu le hurlement de ma sœur et, la seconde d'après, c'était moi qui hurlais, perdu dans l'obscurité. J'ai senti qu'on me secouait, qu'on disait mon prénom, avec douceur mêlée d'empressement et d'anxiété. « Rhap, Rhap, mon chéri, réveille-toi, calme-toi. C'est fini, c'est fini, je suis là... Rhapsodie... » Il y a encore eu sa main sur mon front, sur mes joues, dans mes cheveux. C'était frais, c'était bon. Je me suis redressé, et je me suis blotti dans ses bras. J'ai fondu en larmes. Je n'avais plus autant pleuré depuis la mort de Belt. J'étais secoué de sanglots, incapable de parler, de penser correctement. On m'avait arraché une telle part de moi qu'aucun pansement ne pourrait jamais couvrir la plaie béante, aucun point de suture ne saurait la refermer, aucun sourire la maquiller. Elle était là, énorme, suppurante, vomissant un acide sombre et nauséabond. J'étais condamné à la souffrance, condamné parce qu'elle n'était plus là. Et parce que j'étais le fautif de son absence trop pesante.

Crescendo, Rhapsodie's father. — Rhapsodie ne sortait plus de Cimetronelle. Il n'osait plus s'éloigner de la maison, mais il passait des heures hors de notre vue, hors d'ici. Je crois qu'être enfermé l'étouffait bien plus encore qu'autre fois. S'il ne sortait pas, il restait cloîtré dans sa chambre, il pleurait. S'il ne pleurait pas, il dormait. Et s'il dormait, il hurlait, et il pleurait quand même. Ses nuits étaient aussi agitées qu'elles l'étaient lorsqu'il a perdu son meilleur ami, peut-être même plus. Lolita non plus ne trouvait plus le sommeil, et je dois avouer qu'il en allait de même pour moi. Nous venions de perdre notre seule et unique fille, notre princesse, une part de nous-mêmes nous avait été enlevée. Il nous a fallu du temps avant que Rhapsodie n'ose nous dire ce qu'il s'était passé, cette nuit-là, pour qu'il ose nous avouer ce qu'il considérait comme son erreur, sa faute, ce qu'il estimait devoir porter seul sur ses épaules. De ce jour là, je sais que bien des émotions se firent la guerre dans mon cœur comme dans celui de ma femme : la rancune à l'égard de Chronos et de notre fils, de la vie, du monde entier, d'Arceus ; la douleur, l'espoir de voir revenir Soliste, saine et sauve, le besoin de protéger Rhapsodie, le désir d'aller chercher nous-mêmes notre cadette, la peur que notre dernier enfant ne nous soit arraché.

Il a mal tourné. Il s'est isolé, il est devenu hargneux au possible, nous avions une bête sauvage pour enfant. C'est à peine si nous pouvions l'approcher et lui parler sans qu'il ne nous adresse, au mieux, un regard glacial et empli de haine. Dans le pire des cas, il nous crachait dessus, nous insultait parfois, Chacripan accolé dans un coin par deux Caninos menaçant —c'est précisément la comparaison utilisée par Lolita pour décrire ces scènes accablantes qui achevaient de réduire notre famille en cendres. Quand bien même nous lui en voulions terriblement de nous traiter de la sorte alors que nous souffrions tout autant que lui, sinon plus —qu'était le pire entre perdre sa sœur ou perdre sa fille ? Nous n'en étions pas sûrs—, nous craignions avant tout pour sa vie. Pour tout avouer, les mois qui ont suivi le drame, nous étions terrifiés à l'idée qu'il ne lui passe par la tête la même idée que son défunt meilleur ami. Nous surveillions toujours les objets dangereux qui s'infiltraient dans sa chambre, nous guettions ses allées et venues —il n'avait même plus l'air vivant— entre la maison et l'extérieur. Un jour, il a commencé à revenir les mains et bras sanglants, salis, écorchés à mille endroits différents. Nous ne lui avons pas laissé l'occasion de s'enfermer dans sa chambre sans qu'il ne nous ait expliqué d'où tout ça venait. Sa réponse fut sans doute bien pire que ne l'aurait été l'ignorance. « Ça fait mal. Mais quand ça fait mal dehors, ça fait moins mal dedans, moins mal dans le cœur. » Il nous a lancé un dernier regard avant de s'enfermer, encore, une énième fois. « C'est ça ou plus rien. Plus rien du tout. » Nous n'avons jamais su trouver la force de lui dire : « arrête »

Nous ne voulions pas le perdre, pas lui aussi. 
Surtout pas un quatrième enfant.
Surtout pas notre dernière chance.

Rhapsodie. — Papa et maman m'ont forcé à voir un psychologue. Mais ça ne sert à rien ces gens-là. Le mien, c'était juste un type bizarre, qui me posait des questions sur mes souvenirs, sur mes sentiments, mais ça ne servait à rien, non. Je ne lui répondais jamais vraiment, et quand je le faisais, je sortais du cabinet dans un état encore plus pitoyable que lorsque j'y entrais. Il ne m'a pas aidé à arrêter de me blesser. Pire, même, quand je sortais je retournais frapper. Je frappais, frappais, frappais, fort, et ça faisait mal. Ça finissait forcément par saigner, mais ça me calmait d'avoir mal. J'avais mal, et ça me faisait me sentir vivant. Mon corps vivait, même si à l'intérieur il n'y avait plus rien. Des fois, je voyais les scènes de l'extérieur, quand on me parlait, ce n'était pas moi qui répondait. C'était quelqu'un d'autre, quelqu'un d'autre dans ma tête qui acquiesçait par automatisme, simple mécanisme inscrit dans mes gênes. Je vivais à la troisième personne, spectateur d'une vie à laquelle j'aurais voulu renoncer. Je sais pas pourquoi je ne l'ai pas fait, j'étais peut-être trop lâche, trop peureux pour oser. Je crois que je nourrissais l'espoir de retrouver Soliste, tôt ou tard. Je montais des plans la nuit, je me triturais l'esprit dans l'idée de la revoir, de la libérer, de la ramener à la maison. Elle était forcément avec ces types, ces enfoirés qui nous avait chopés, elle ne pouvait pas être ailleurs. Et elle ne pouvait pas non plus être... Non. Elle ne pouvait pas.

Papa et maman ont arrêté de parler de Soliste. Ils ont caché les photos où elle apparaît, n'ont gardé que les miennes. J'ai réussi à en voler une, sans que mes parents ni personne ne le sache. Je l'ai toujours gardée sur moi, contre moi, je ne m'en suis jamais séparé. Sur l'instantané, nous sommes assis dans l'herbe devant l'étang, elle entre mes jambes, appuyée contre moi. Mon bras enlace ses épaules, sa main est posée sur mon poignet. Sa main libre et la mienne sont tendues en avant, s'unissent pour dessiner un cœur devant nous. Elle a neuf ans, j'en ai onze, je suis encore blond et nous sommes heureux. Nous sommes heureux et insouciants, la vie ne nous a pas encore détruits, brisés, nos âmes sont encore entières, nos êtres pas encore en miettes. Nos sourires sont vrais, touchants, contagieux. L'image est restée gravée en moi, tant j'ai regardé la photographie ; quand je ferme les yeux, je vois encore les ombres du coucher de soleil faire scintiller des éclats d'or dans mes cheveux, des reflets presque rougeoyants dans les siens. J'entends son « cheese ! » lancé au moment où papa appuie sur le bouton de l'appareil. Je sens la légère brise dans nos cheveux, le vent tiède et Soliste qui s'agace parce que des mèches s'aventurent dans sa bouche et l'empêchent de parler. Je m'entends lui dire « tant mieux, tu fatigues nos oreilles » avec toute l'ironie du monde, je la revois me frapper avec sa force proche de zéro, et notre fou rire me parvient toujours, des années plus tard. Je n'ai jamais oublié, et je n'oublierai jamais.

Mes parents, eux, ont cru que j'oublierai, quand ils m'ont vu fréquenter la petite sœur de Belt. Elle était jolie, Cadie, et mignonne aussi. Elle était souriante, enjouée, elle avait de l'humour et tout ce qu'il lui fallait pour être heureuse, elle n'avait qu'un an de moins que moi. Elle était bavarde, beaucoup, un peu trop peut-être, mais au moins avec elle je n'avais pas à dire quoique ce soit ; elle faisait la conversation toute seule. Je me contentais de hocher la tête, de lâcher un « hm » par ci, un « je vois » par là, et ça lui convenait. Je ne l'interrompais pas, et j'avoue que je ne l'écoutais pas toujours non plus. Elle ne m'ennuyait pas —pas vraiment— mais elle ne m'intéressait pas vraiment non plus —ce qu'elle disait ne m'intéressait pas. Elle me parlait de l'école, se plaignait que je n'y vienne plus, elle me contait aussi ses mille aventures complètement folles avec ses amies, elle répétait qu'il faudrait qu'elle me les présente, qu'elles allaient m'adorer. Ça ne me disait rien, mais je ne voulais pas la vexer, alors j'acquiesçais simplement, sans jamais la contredire. De toute façon, je crois que je n'y aurais rien gagné sinon énerver la petite sœur de Belt. Je n'en avais pas envie —les filles s'agacent aisément d'une chose ou d'une autre. Mais j'ai fait bien pire, finalement. Et je m'en suis voulu, parce que j'avais blessé la petite sœur de Belt.

C'était une belle journée en plus. Il faisait beau, même si l'automne s'installait doucement, tout devenait rouge, c'était un magnifique paysage, romantique au possible. Il y avait un peu de pluie, mais ce n'était pas déplaisant. Cadie était à côté de moi, emmitouflée dans son blouson —elle avait toujours été on ne peut plus frileuse— et occupée à parler, comme toujours. Et puis, soudain, elle s'est arrêtée, de marcher, de bavarder, et c'est là que je lui ai enfin prêté un peu d'attention, surpris comme je l'étais qu'elle sache se taire. Je crois que c'était la première fois que son silence durait plus de cinq secondes. J'ai compté, il a duré presque une minute —cinquante-six secondes précisément. Elle n'osait pas me regarder, et ça m'a presque foutu les jetons. Je ne l'avais jamais vue détourner le regard quand il s'agissait de moi. « Cadie ? » J'ai regretté d'avoir parlé, de peur d'avoir relancé la machine à paroles sans le vouloir. Elle n'a pourtant rien dit, pas tout de suite. Elle a relevé la tête vers moi, s'est enfin décidée à lever les yeux dans ma direction. « Rhapsodie, je... Je dois t'avouer un truc, mais... c'est... » N'importe quel type normalement constitué aurait compris. Moi, pas. « Quoi ? » Elle s'est mise à triturer une mèche de ses jolis cheveux, bruns en cette saison. A vrai dire, à ce moment-là, elle était adorable, terriblement craquante. Sans même réfléchir, je suis venue lui voler sa mèche, pour la regarder couler entre mes doigts. C'était joli. Ça a paru la déstabiliser, encore plus qu'elle ne l'était déjà. « Je... Je... Rhapsodie, ça fait un moment qu'on traîne ensemble et... et... c'est peut-être bizarre hein, mais... mais je... » J'ai laissé retomber ma main, et elle a hésité, longtemps, avant de s'en saisir, de la serrer dans la sienne. « Rhapsodie je t'aime. »

Ça m'a foutu un coup. Je ne m'y attendais pas, en vérité. C'était un peu con d'être surpris pour si peu, alors que ça se voyait sans doute comme le nez au milieu de la figure, mais j'ai vraiment été pris au dépourvu. Je me suis retrouvé comme un con face à elle, incapable de dire quoique ce soit, incapable de réfléchir correctement. Alors, j'ai juste songé qu'elle était belle, dans le coucher de soleil d'automne, belle, attirante peut-être, et ce même si elle parlait un peu trop, un peu trop vite et un peu trop fort. C'était stupide de penser comme ça, d'autant plus que j'ai sans doute fait la connerie de ma vie juste après. Je lui ai laissé ma main, et je me suis penché vers elle. J'ai posé mes lèvres contre les siennes ; j'ai sacrifié mon premier baiser et sans doute le sien sans penser aux conséquences, sans me dire que je n'étais peut-être pas prêt. Et la vérité m'est tombé dessus, en plein dans les tripes, à l'instant précis où j'ai senti sa petite main froide effleurer ma joue. Je me suis détaché d'elle, j'ai reculé un peu, et je l'ai regardée droit dans les yeux. « Moi, je crois que je ne t'aime pas. » J'ai vu son regard s'écarquiller, puis s'emplir de larmes, et elle m'a crié dessus. Elle m'a insulté, aussi. Je n'ai pas tout retenir, mais « connard », « menteur » et « profiteur » faisaient partie de la déferlante. « Pardon. » Je devais avoir l'air minable, avec mon excuse à deux balles. Elle me l'a bien fait comprendre avant de partir. Ce fut la première gifle que je reçu de toute ma vie, et elle me laissa pendant bien des semaines un goût des plus amers dans la bouche. Le goût de la connerie profonde.

Belt m'en aurait voulu.

I am not afraid of the storm that comes my way
When it hits it shakes me to the core and makes me stronger than before

Rhapsodie. — Je n'ai pas cessé de m'évader dans la nuit. Comme je n'ai plus à passer mes journées avec Cadie —elle ne veut plus entendre parler de moi, maman n'a pas été très contente d'apprendre ce qu'il s'est passé, d'ailleurs— je peux pleinement en profiter pour récupérer de mes heures volées sous la lune et les étoiles. J'aime les contempler. La nuit de mon anniversaire était magnifique —j'ai eu quinze ans le mois dernier. Papa trouve que c'est une lubie un peu étrange, mais je m'en fiche. Je connais toutes les constellations par cœur, maintenant. Il a bien fallu m'occuper l'esprit pour m'empêcher de ressasser mes idées noires. J'ai arrêté de me blesser —enfin, je le fais moins souvent, je crois que la colère s'apaise, un peu. Maman n'a pas trouvé mieux que de m'inscrire à des cours de piano à Lavandia. Je ne le lui reproche pas vraiment, il faut dire que c'est un instrument qui demande suffisamment de concentration et de travail —tant qu'elle en a même ramené un à la maison, pour moi, et puis pour elle aussi, un peu— pour que mes élans de rage et d'angoisse se canalisent ; je dors un peu moins mal ces temps-ci. Les cauchemars ne me quittent pas vraiment, mais ils sont un peu moins fréquents. J'ai quand même peur de sortir de Cimetronelle —et même de me rendre au centre du village, je préfère un millier de fois le calme de notre clairière paisible— et, si je le fais pour me rendre à l'école de musique, je prends toujours soin d'esquiver les rues les plus bondées, et l'aller comme le retour sont faits à vitesse grand V, tête baissée et mains enfouies dans les poches de ma veste. L'autre jour, un touriste perdu m'a demandé sa route, j'ai été incapable de lui répondre ; j'ai juste fui, comme un lâche, pour rejoindre le couvert de ma forêt. On m'a aussi proposé de rejoindre un petit groupe en tant que pianiste, j'ai passé mon tour. Côtoyer d'autres jeunes ne m'intéresse pas, je préfère ma solitude aux menteurs. Maman occupe mon temps libre à la maison en m'aidant à me perfectionner —paraît que je me débrouille bien— sur l'instrument ; elle comprend l'âme des mélodies qu'importe d'où elles viennent. Et papa, lui, m'accapare en faisant du bricolage en ma compagnie. Il s'est décidé à construire une cabane de l'autre côté de l'étang, dans un arbre un peu plus haut que les autres, il m'a dit que quand elle sera terminée elle sera à moi, si j'en ai envie. L'idée me plaît. 

Le prénom de ma sœur est demeuré tabou, et sa chambre a été fermée à clé. On ne veut pas que j'y entre, mais je sais que l'on n'a pas touché à ses affaires de l'autre côté. Mes parents essaient de faire comme si elle n'avait jamais existé, mais je sais qu'ils pensent à elle en me regardant moi, ils ne l'oublient pas et les voir nier son existence et les années qu'elle a passé à nos côtés est sans doute la pire des choses qu'il me faille endurer. Ils essaient de faire comme si de rien n'était, mais sans Soliste et avec le secret de cet acte de naissance au nom qui ne me dit rien, tout est différent. Le vide de la maison est plus grand encore, c'est pesant et étouffant. Je suffoque quand je suis dans la même pièce que mon père et ma mère réunis, les repas sont un Enfer et personne ne parvient à combler le silence qui demeure, encore et toujours, malgré nos infinies tentatives de le combler. Rien ne nous guérira de nos bleus au cœur, sinon son retour parmi nous. Moi, je refuse de faire comme si elle n'avait jamais été là, comme si je n'avais jamais partagé mon bonheur, mes rires avec elle, comme si je ne l'avais pas vue grandir en espérant que sa vie serait belle et comme elle la rêvait. Je refuse, parce que ce serait la trahir. Je sais qu'elle est là, quelque part et, tôt ou tard, J'irai la chercher, je la retrouverai où qu'elle soit et je la ramènerai à la maison. 

Et ce jour-là, nous serons à nouveau heureux, tous ensemble, et rien ne pourra plus nous réduire en cendres. Jamais.
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